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Ils décidèrent Montmorin, avant sa retraite, à présenter encore à Louis XVI un plan de conduite. Il consistait à se rendre à l’assemblée législative, et à déclarer que, les puissances étrangères ne croyant plus le roi libre, sa liberté devait être constatée ; le roi demanderait, en conséquence, à aller à Fontainebleau, ou à Compiègne, avec les gardes du corps, et à choisir un nouveau ministère n’ayant pas coopéré à la constitution. Ou l’assemblée eût refusé, et elle constatait ainsi la servitude du roi ; ou elle eût accepté, et alors un cabinet dévoué était constitué. Montmorin revint à trois reprises sur les avantages de cette conduite, il se jeta aux genoux de la reine ; les supplications furent inutiles. L’insuccès avait amené la résignation, et Montmorin fut suspecté de trop de finesse. Cette suspicion explique sa lettre du 26 octobre au comte de La Marck : « J’avoue que, malgré mon extrême répugnance, je me serais déterminé à rester si l’on m’en avait montré un désir positif ; mais on ne l’a pas fait, et, en vérité, la chose en valait la peine. Je m’occupe en ce moment du compte que je dois rendre à l’assemblée ; j’espère qu’il sera tel qu’il pourra être utile au roi et que les cours étrangères en seront contentes. Il me fera peut-être quelques querelles ici avec les journalistes Brissot et compagnie. Mais, en général, je crois qu’il ne me fera pas de tort devant l’opinion. » Il ne connaissait pas encore la nouvelle assemblée devant laquelle il se trouvait.

Gouverneur-Morris, en relations constantes avec Mme de Beaumont et son père, prévoyait l’avènement de la république sans croire à sa durée, et il suivait avec sympathie les efforts tentés pour sauver les jours de la famille royale ; il avait aussi préparé un plan pour être soumis à Louis XVI. Le 22 octobre, il alla le communiquer[1] à Montmorin et l’engagea à rester quelque temps encore en fonctions ; il voulait ne le voir sortir du conseil qu’après en avoir été président. Montmorin ne se rendit pas à ses raisons et lui fit une confidence grave. Il quittait le ministère parce qu’il ne jouissait pas complètement de la confiance de leurs majestés ; le roi et la reine, ajoutait-il, étaient gouvernés par des avis venant tantôt de Bruxelles, tantôt de Coblentz. Montmorin s’était vainement efforcé de les convaincre de la nécessité d’arrêter une ligne fixe de conduite. Rien ne leur ouvrait les yeux. Le roi, extrêmement choqué qu’un homme avec lequel il vivait dans la familiarité depuis son enfance persistât à donner sa démission, ne fit rien pour l’encourager à la retirer. Les instances de Bertrand de Molleville ne furent pas mieux accueillies.

Ce fut le 31 octobre 1791 que Montmorin donna lecture à la législative

  1. Mémorial de Gouverneur-Morris.