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de son rapport sur la situation de la France vis-à-vis des puissances étrangères. Résumé fidèle des événemens extérieurs depuis le jour où Louis XVI, revenu de Varennes, avait été suspendu, le rapport exposait avec impartialité la situation, blâmait l’émigration, en indiquait les lieux de rassemblement, ne dissimulait pas la défiance des cours européennes vis-à-vis la révolution, tout en s’enfermant dans les bornes d’une discrétion exigée par l’intérêt public. Cet important document se terminait par ces lignes : « Je présente ces réflexions sur les inconvéniens de demander trop de détails au ministre des affaires étrangères avec d’autant plus de confiance qu’elles ne peuvent avoir pour objet de rendre plus facile l’exercice d’une place que je vais cesser d’occuper. Dès le mois d’avril dernier, j’avais donné ma démission à Sa Majesté; mais la distance qui me séparait de celui qu’elle me destinait pour successeur me força de continuer mon travail jusqu’à la réception de sa réponse, qui fut un refus. Depuis, je ne trouvai plus où placer ma démission, et l’espérance d’être encore de quelque utilité à la chose publique et au roi put seule me consoler de la nécessité de rester dans le ministère, au milieu des circonstances qui en rendaient les fonctions pénibles pour moi. Aujourd’hui, Sa Majesté a daigné agréer ma démission; le rapport qu’elle m’a ordonné de vous faire est le dernier devoir que j’aie à remplir envers les représentans de la nation comme ministre des affaires étrangères; et je me félicite, en terminant ma carrière ministérielle, de pouvoir vous donner l’espoir d’une paix que vous aiderez le roi à maintenir et à consolider par la sagesse de vos décrets. »

Le comte de Montmorin, en se retirant, avait espéré conserver la place de ministre d’état; on fit observer au roi que ce titre était contraire à la constitution et que l’assemblée ne manquerait pas de s’y opposer. Il eût aussi accepté la charge de gouverneur du dauphin, dont on avait autrefois parlé. Les circonstances ne permettaient pas de la lui confier. Montmorin se trouvait dès lors presque sans ressources; ses affaires privées étaient dans un tel désordre que ses dettes surpassaient de beaucoup son actif. La générosité l’avait toujours entraîné. Le roi, informé, lui assura la somme de 50,000 livres par an sur les fonds secrets et lui envoya, comme souvenir, son portrait en pied, pareil à celui qu’il avait donné à M. de Vergennes en 1786.

Montmorin s’enferma pendant quelques semaines dans sa campagne de Theil, près de Sens, avec ses enfans. Ce furent ses dernières heures de joie domestique; il s’occupait de réparations; il revit, comme pour échanger les suprêmes paroles, les amis fidèles, les Trudaine, et François de Pange. Il ne put séjourner longtemps