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Milan, Bologne et Naples ont leur conservatoire, célèbres tous les trois, et remontant aux jours où florissaient les universités : Bononia docet. C’est dire qu’entre les cités sœurs, la rivalité ne date pas d’hier ; chacune jalouse de son école et surtout de son théâtre, d’où s’envolèrent tant de chefs-d’œuvre dont la renommée emplit le monde. Rossini se faisait gloire d’être sorti de l’école de Bologne, Donizetti de même, quoiqu’il eût reçu de Simon Mayr ses premières leçons. Rudes maîtres de chapelle et professeurs que ces moines qui présidaient à l’enseignement : padre Mattei, Martini, etc., gens de savoir austère et de discipline qui fondèrent la tradition bolonaise, — mélange du plus pur style de Palestrina et de cette grande école napolitaine, des Scarlati, des Porpora, des Durante, des Léo, des Pergolèse, des Zingarelli et des Cimarosa. L’école de Naples, institut religieux, ayant eu dans le principe divers cloîtres pour annexes, devint, en 1806, le Real Collegio di musica, et les amateurs de curiosités historiques lui trouveront à l’autre bout de l’Italie un pendant précieux dans l’Orfanello de Venise, dont l’Ospedaletto della Pietà, les Mendicanti, les Incurabili et l’Ospedaletto dei S. S. Giovanni e Paolo ont également fourni les annexes. Là, par exemple, on n’admettait que des jeunes filles; elles seules composaient l’orchestre et symphonisaient, jouant qui de la contrebasse ou du violoncelle, qui du basson, du cor ou de la flûte, et fonctionnant sous la direction des meilleurs chefs, Galuppi, Sacchini, Bertoni. La chute de la république de Venise marqua la fin de cette institution, et bientôt après (1806) advint la fondation du conservatoire de Milan, à laquelle sont restés liés les noms de Fenaroli et d’Asioli. Jusqu’à ces derniers temps, la vie y conserva le caractère collégial, c’étaient plutôt des mœurs universitaires; avec la musique, les élèves apprenaient tout ce qui s’enseigne dans les classes de latin et de grec, instruits et surveillés par les couvens. Cet état de choses n’ayant pas survécu à l’établissement du royaume d’Italie, le conservatoire de Milan était devenu ce que nous l’avons vu, ce qu’étaient naguère encore tous les conservatoires de la péninsule : pédantisme et laisser-aller, nul souci des études classiques, dans les classes d’instrumens le mécanisme du doigté, dans celles de composition la lutte pour un idéal dramatique dont l’histoire commence à Rossini et s’arrête à Verdi en passant par Bellini, Donizetti et Mercadante. Inutile d’ajouter que les partitions de Beethoven hantaient fort peu ces temples de l’éducation. Sur Beethoven les sages de cette époque avaient une opinion qui faisait loi. Il manquait d’âme et surtout ne s’entendait pas aux belles cantilènes. Que vous dirai-je? il n’avait pas de souffle et vivait sur des bouts de phrase qu’il se donnait un mal du diable à ravauder. Mozart, sans doute, eût mérité