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rivières, avait la forme d’une galère, et de là venait le nom de la petite ville dont les Maures avaient fait un de leurs principaux centres de défense. La résistance fut acharnée ; les femmes combattirent sur les remparts avec les hommes ; un assaut avait été repoussé, quand déjà les Espagnols se croyaient vainqueurs. Don Juan avait en vain fait jouer des mines et battu la ville avec une artillerie puissante pour l’époque. Après ce premier échec, don Juan convoqua un conseil de guerre ; il annonça qu’il allait faire préparer rapidement deux nouvelles mines et donner un nouvel assaut ; il voulait que le roi connût la victoire en même temps que la défaite. Il se dit résolu à raser Galera, à semer du sel sur ses ruines et à passer tous les habitans au fil de l’épée. Cette ardeur furieuse se communiqua aux troupes avec l’espoir du pillage. Le jour de l’assaut, les ordres de don Juan ne furent que trop obéis : on ne fit d’autres prisonniers que quatre mille femmes et enfans. Philippe apprit la prise de Galera à Guadalupe, où il était, dans le couvent des jéromites, et, suivant sa coutume, il ne fit paraître aucune émotion.

Don Juan eut peu après la douleur de perdre Quixada, qui fut blessé à mort à ses côtés, pendant qu’il cherchait à arrêter les soldats entraînés par une panique devant Seron. Il le pleura sincèrement, et Philippe II lui-même ne reçut pas sans en être touché la nouvelle de la perte d’un si vaillant et honnête serviteur : « J’ai appris avec peine, écrivait-il à don Juan après la défaite de Seron, la mauvaise conduite des troupes, mais avec beaucoup plus de peine la blessure de Luis Quixada. » Et quand la mort du vieux général lui fut mandée : « Je n’ai jamais reçu une lettre avec plus de douleur que votre lettre du 25, car je sais bien ce que vous et moi avons perdu. »

Au mois de février 1570, don Juan se trouva prêt à reprendre l’offensive ; il fit le siège de Tijola et réussit à prendre cette place, ainsi que plusieurs autres forteresses. L’exode des Maures continuait ; don Juan essaya en vain de s’y opposer ; le roi préféra écouter les conseils du président Deza et du duc de Sesa. Tout le pays autour de Malaga, la Vega de Grenade, se dépeuplèrent. L’œuvre de la pacification avançait pourtant, et l’on négociait tout en continuant la guerre. Don Juan porta dans la négociation un esprit plus généreux qu’on n’eût pu l’attendre d’un jeune homme au sang aussi chaud. Mais les ordres adressés de Madrid étaient de plus en plus durs ; quand les derniers chefs maures eurent cessé une résistance devenue vaine, il fut enjoint à don Juan de faire sortir tous les Maures sans exception, ou loyaux ou rebelles, de tout le royaume de Grenade. « Les Maures, écrit un historien ecclésiastique, Gonçalo de Yllescas, qui s’étaient révoltés et avaient été pris les armes à la main furent