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espace donné, plus ils y sont à leur aise. Les pays les plus peuplés sont les seuls dont les habitans ne meurent pas de faim périodiquement. Un regard autour de nous suffit pour nous en convaincre.

D’après les deux derniers recensemens faits en France et en Allemagne le 18 décembre 1881 et le 1er décembre 1880, pendant la période quinquennale de 1875 à 1880, la population de l’Allemagne a augmenté de 2,506,689 habitans, celle de la France de 380,673 dans l’intervalle des cinq années de 1876 à 1881. Six fois plus considérable en Allemagne qu’en France, l’accroissement annuel de la population atteint 1.14 pour 100 chez les Allemands contre une proportion de 0.20 seulement chez les Français. Encore la part de l’émigration n’entre-t-elle pas en compte dans ce calcul, sans quoi l’accroissement naturel de la population en Allemagne s’élèverait davantage et équivaudrait au doublement du nombre actuel des habitans de l’empire dans l’espace de soixante années, tandis que le nombre d’habitans de la France tend à devenir stationnaire. En présence de 37,321,000 Français comptés en 1881 sur le territoire de la république contre 32,569,223 existant en 1831, un demi-siècle plus tôt, la statistique signale 45,234,061 sujets allemands présens en 1880 sur le territoire de l’empire contre 29,518,125 en 1830. Supérieure en nombre à la population de l’Allemagne il y a cinquante ans, la population de la France se trouve dès maintenant dépassée de beaucoup. Notre stationnement relatif équivaut à un véritable recul en face de rivaux qui progressent. L’ancien équilibre européen se transforme peu à peu au détriment des Français à mesure que de nouveaux peuples sont admis dans le concert des grandes puissances. Sous Louis XIV, vers 1700, l’empire de Charles-Quint se trouvant démembré et l’Espagne reléguée en arrière, la monarchie française, avec ses 19,000,000 d’habitans, occupait le premier rang ; elle figurait pour plus des deux cinquièmes dans la population totale des trois grandes puissances européennes : France, Angleterre, Allemagne. En 1780, malgré un accroissement de 7 millions d’habitans depuis le commencement du siècle, la situation relative de la France parait déjà amoindrie. Les autres états s’étaient accrus de leur côté, et la Russie entrait en scène avec ses 25 millions de sujets, tandis que la France ne représentait plus alors que 27 pour 100 de la population, des quatre grandes puissances. Après les guerres de l’empire napoléonien, en 1815, par suite de l’admission de la Prusse dans le concert-européen, la part proportionnelle du peuple français se réduisit à 20 pour 100. Depuis l’avènement de l’Italie en 1870, la portion pour laquelle la France reste dans l’ensemble des six grandes puissances actuelles est descendue à 14 pour 100. Encore faudrait-il comprendre dans ce bilan international les États-Unis d’Amérique, rapprochés de nous