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Trois-Rivières, le second colonel de la milice, Mgr Plessis, invité à formuler dans un mémoire ses vœux, reconnu officiellement comme évoque catholique de Québec avec tous les droits exercés autrefois par ses prédécesseurs, puis investi par le prince régent d’un traitement de mille louis, Ryland et la coterie des fonctionnaires obligés, ainsi que l’évêque protestant, de rentrer dans l’ombre, tels sont les premiers gages donnés par ce gouverneur au peuple. La chambre vote plusieurs amendemens à la loi des suspects, qui, par suite du refus du conseil législatif de les adopter, tombe au moment même où la guerre va éclater ; à l’unanimité moins une voix, elle décrète une enquête sur les abus qui ont signalé l’administration de Craig ; puis, cette satisfaction donnée à sa dignité, elle autorise Prévost à mettre sur pied la milice entière et lui accorde des subsides considérables qu’elle renouvelle les années suivantes. Pendant toute lette guerre, les miliciens se montrent dignes de ce beau surnom de peuple gentilhomme que l’Anglais Andrew Stuart leur décerna plus tard ; à la tête de six cents voltigeurs canadiens contre sept mille Américains, le colonel de Salaberry gagne, le 26 octobre 1813, cette bataille de Châteauguay, qui produisit un effet décisif et que les poètes nationaux ont comparée aux Thermopyles. Le prince régent et le duc de Kent déclarèrent que Salaberry et ses soldats étaient les sauveurs du pays, les héros de Châteauguay. Vers la fin de 1814, l’Angleterre, victorieuse sur le continent, pouvait jeter en Amérique une partie de ses armées, les ports des États-Unis se trouvaient bloqués, leur commerce gravement compromis et, malgré d’assez grands succès partiels, le sort des armes leur avait été plutôt défavorable : le traité du 24 décembre stipula la restitution réciproque de toutes les conquêtes et réserva à la décision de commissaires nommés par les deux gouvernemens la question des frontières du Canada et du Nouveau-Brunswick.


III

En donnant sans compter leur sang et leur argent, les Canadiens croyaient qu’on leur saurait gré de leurs sacrifices : ils ne tardèrent pas à comprendre que la reconnaissance de l’Angleterre ne durait pas plus que sa faiblesse. En ce qui les concerne, la seule différence qu’ils aperçoivent entre un ministère tory et un ministère whig, c’est que l’un monte aux affaires tandis que l’autre en descend : des deux côtés mêmes défiances, même penchant à écouter la coterie coloniale, à reprendre en sous-œuvre les projets de Ryland. Les fautes se répètent avec une servilité affligeante, et Mgr Plessis écrit en 1820 : « Les ministres britanniques changent, mais l’esprit du ministère ne change point. » La chambre avait accusé le juge Monk d’avoir malversé et le