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tête d’une colonne de trois mille cinq cents hommes, commandée sous lui par le général Duzer, dont la rentrée en France était prochaine, il alla bivouaquer en avant de l’Oued Kerma. Le lendemain, pour ne pas désobliger les notables de Blida, qui, venus au-devant de lui à Bou-Farik, protestaient à la fois de leur bon vouloir et du dérangement que leur causerait une visite des Français, il laissa honnêtement la ville à ses loisirs et vint prendre son bivouac sur la rive droite de la Chiffa. Malheureusement, il fut très mal payé de sa discrétion ; un voltigeur du 15e avait disparu pendant une halte ; on sut plus tard que cet infortuné, endormi derrière un buisson, avait été surpris et massacré après le départ de la colonne. La journée du 3 fut très fatigante ; la marche ne fut qu’une suite d’à-coups ; on allait, on s’arrêtait, on repartait, on passait la Chiffa, on la repassait, on changeait de direction ; la cavalerie, non prévenue, séparée de l’infanterie par un bois, avait continué sa route et s’était trouvée toute seule aux environs de Koléa. Tous ces mouvemens désordonnés, incohérens, étaient l’effet naturel de l’indécision du commandement en chef. Le 4, la colonne traversa le Mazafran et rallia la cavalerie. Les gens de Koléa, comme ceux de Blida, obtinrent du général qu’on n’entrerait pas chez eux ; ils firent cependant une exception pour les officiers de la brigade topographique, auxquels ils permirent de lever le plan de la ville et des environs. Le 5, les troupes rentrèrent très lasses dans leurs cantonnemens ; pas un coup de fusil n’avait été entendu pendant ces cinq jours. Il aurait été cependant d’une naïveté bien grande de croire à la parfaite soumission des indigènes.

Le 16 mars commença la fête du Beïram : à peine sortis des rigueurs du Ramadan, Arabes et Maures semblaient donner tout au plaisir, mais il y en avait qui prenaient le leur au détriment des chrétiens. Des officiers étaient attaqués la nuit dans les rues d’Alger ; au dehors, d’un poste à l’autre, les communications n’étaient pas sûres ; un sergent-major du 20e, qui était allé passer la nuit dans une cantine près de Bab-el-Oued, était assassiné avec la cantinière. Des lettres saisies révélaient un appel adressé d’Alger à Tlemcen par des Maures influens au beau-frère du sultan de Maroc, Mouley-Ali. Le 24 mars, un arrêté, renouvelé du général Clauzel, interdit sous peine de mort le port d’armes à tous les indigènes des environs d’Alger ; mais comment en assurer l’exécution ? Ce n’était pas l’agha Mendiri, ni ses douze guides, ni ses gendarmes qui auraient pu y suffire. Vers la mi-avril, on apprit que des Kabyles, appartenant aux Beni-bou-Yacoub et aux Beni-Slimane, étaient venus troubler le marché de Beni-Mouça et défendre aux gens de la plaine d’approvisionner Alger. De leur côté, les Beni-Misra, les Beni-Sala, les Beni-Meçaoud recommençaient leur métier de coupeurs de route.