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Malheur aux musulmans qui servaient l’infidèle I C’est ainsi qu’au retour d’une visite à l’agha, le caïd de Khachna était assassiné sur le territoire d’El Ouffia ; c’est ainsi qu’était assassiné un des guides de l’agha, envoyé à Blida par le commandant en chef. Avant de se remettre en campagne pour essayer.de châtier les coupables, le général Berthezène voulut laisser passer la fête du roi.

Le 1er mai, après la revue des troupes, il y eut, dans une pauvre petite chapelle, une messe militaire. C’était, depuis le temps du maréchal de Bourmont, le premier acte religieux auquel les vaincus, étonnés d’une indifférence qui choquait leur esprit, eussent vu s’associer les vainqueurs. Eux, qui allaient à la mosquée, ne pouvaient pas comprendre que des chrétiens n’allassent pas à l’église. Le soir, il n’y eut guère que les juifs et les nègres qui se mêlèrent aux Européens, les premiers à titre de cliens de la France, les autres avec tout l’éclat de leur admiration enfantine, pour courir aux illuminations, aux orchestres, au feu d’artifice ; les Maures passaient dédaigneusement, sans regarder rien, au milieu de la foule bruyante.

Le 5 mai, une division de reconnaissance fut organisée en deux brigades, commandées, l’une par le maréchal-de-camp Buchet, l’autre par le maréchal-de-camp de Feuchères. La cavalerie et les zouaves comptaient dans la première ; l’artillerie emmenait une section de campagne et une section de montagne ; cinquante sapeurs du génie marchaient avec la colonne, dont l’effectif était de quatre mille hommes. La reconnaissance, puisque c’était le terme adopté, commença le 7 ; poussée d’abord à l’est, elle atteignit de bonne heure le territoire d’El Ouffia, dont les troupeaux furent saisis et séquestrés au profit de la famille du caïd de Khachna, en attendant que l’assassin fût livré à l’autorité française. Après la grande halte, la marche tourna brusquement au sud, perpendiculairement aux montagnes ; il fallut construire une chaussée en gazon à travers les fondrières d’un vaste marécage ; le soir, un orage, qui se prolongea jusqu’à deux heures du matin, mit sous l’eau tout le bivouac. Le 8, la colonne reprit le chemin de la Maison-Carrée ; on croyait rentrer dans les cantonnemens un peu trop tôt sans doute, mais, avec le caractère connu du général Berthezène et les contradictions habituelles de son esprit, on ne s’en étonnait guère, lorsqu’on vit tout à coup l’avant-garde tourner, comme la veille, au sud, et remonter la rive gauche de l’Harrach ; on reprenait donc le chemin des montagnes.

Le 9, on s’y engageait, au milieu des Beni-Misra. Ces pillards, ces coupeurs de routes, humbles et repentans, demandaient grâce ; le général Berthezène, qui avait besoin de viande pour nourrir sa colonne, leur imposa une contribution qui n’était pas bien lourde : six bœufs ; après deux heures d’attente, ils