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de cartouches. Le colonel Marion prit le commandement de la deuxième brigade à la place du général de Feuchères, resté malade à la Ferme. Le 28, le Tenia fut atteint et franchi sans difficulté ; un bataillon du 20e eut ordre de s’y établir ; ce bataillon, comme tous les autres d’ailleurs, n’avait plus de vivres que pour quatre jours. Le reste de la division alla bivouaquer au bas de la montagne, sous les oliviers de Zeboudj-Azara ; ce fut là qu’elle entendit, pour la première fois, siffler les balles kabyles. Le lendemain 29, Ben-Omar, assez bien accompagné, sortit au-devant du commandant en chef, qui fit son entrée dans Médéa vers le milieu du jour. Pendant ce temps, les deux escadrons de chasseurs chargeaient un gros de cavaliers arabes entre la ville et la Ferme du bey ; ce fut sur le terrain de ce petit combat que la division installa ses bivouacs ; le seul bataillon d’élite suivit dans Médéa le quartier-général. Toute la journée du 30 s’écoula sans prise d’armes.

Tandis que le général Berthezène, confiant dans le seul effet de sa présence, abandonnait aux tribus soulevées le bénéfice du temps précieux qu’il perdait majestueusement à attendre, l’insurrection gagnait, s’étendait, prenait feu comme une traînée de poudre. Le soir venu, l’illusion n’était plus possible ; le général ne voulant pas se laisser bloquer et affamer dans la place, il fallait combattre. Le 1er juillet, à trois heures du matin, la division, moins un bataillon du 28e laissé dans la ville, se forma sur trois colonnes, à droite, sous le colonel Mounier, un bataillon du 28e et le bataillon mixte du commandant Duvivier ; au centre, sous la direction immédiate du général en chef et le commandement du général Buchet, le bataillon d’élite ; à gauche, sous le colonel Marion, deux bataillons du 20e ; un bataillon du 30e et les chasseurs de France formaient réserve ; les chasseurs algériens marchaient à l’avant-garde ; l’objectif donné aux têtes de colonne était une ruine romaine qui signalait au sud le plateau d’Aouara.

En traversant la plaine, des escouades détachées des colonnes mettaient le feu aux moissons, détruisaient les vergers, abattaient les arbres ; cependant, de cette immense ligne de burnous blancs qu’on apercevait bordant la montagne, pas un groupe ne se détachait, pas un homme ne venait demander grâce au destructeur. Les pentes, boisées, ravinées, semées de pointes de rocs, excellemment favorables à la défense, étaient pour l’assaillant d’un accès difficile. Elles furent gravies, les colonnes se rejoignirent sur le plateau ; mais la masse arabe et kabyle, rejetée sur l’autre versant, ne se dispersa pas. Selon la tactique traditionnelle de ces races guerrières, elle avait reculé lentement, sans lâcher pied, devant l’adversaire, patiente, attentive à ses moindres mouvemens ; au premier signe de retraite, elle allait prendre l’offensive à son tour, se