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candys du Parthe, la casaque de peaux de rats du Hérule, le sagum rayé du Goth, le burnous de poils de chameaux du Numide, la chevelure flottante du Sicambre, la barbe calamistrée du Perse, la face blonde du Chérusque, le masque de bronze du Mauritanien.


IV

C’est sur cet empire si vaste, sur cette ville si magnifique, sur ces peuples si nombreux qu’une destinée extraordinaire fit régner Théodora.

Théodora, à écouter Procope, naquit dans la loge d’un gardien de bêtes féroces de l’amphithéâtre des Verts. Son père Acacius mourut peu de temps après sa naissance, c’est-à-dire dans les premières années du VIe siècle, sous le règne d’Anastase. La femme d’Acacius devint l’épouse ou la maîtresse de l’homme qui avait remplacé son mari comme arctotrophe (nourrisseur d’ours). Mais, séduit par une offre d’argent, le directeur des jeux donna bientôt cet emploi à un autre individu. La pauvre femme, réduite à la misère, s’avisa d’un touchant stratagème. Un jour de représentation, elle fit entrer Théodora et ses deux autres petites filles dans l’arène. Voilées, la tête couverte de bandelettes comme des victimes consacrées, elles s’agenouillèrent et tendirent leurs petites mains vers les spectateurs. Les Verts ne firent que rire de ces larmes et de ces supplications, mais les Bleus en furent émus. Ils profitèrent de l’occasion pour donner une leçon d’humanité à la faction adverse. Le gardien de leur cirque venait de mourir, ils nommèrent à sa place le beau-père des trois petites suppliantes. La famille passa ainsi de l’amphithéâtre des Verts dans celui des Bleus.

Ces amphithéâtres, que chaque faction avait édifiés à ses frais et où les courses et les jeux étaient bien plus fréquens qu’au grand Hippodrome, n’étaient point réservés seulement aux courses de chars et aux exhibitions de bêtes sauvages. On y faisait entendre des chœurs de musique, on y donnait des danses, on y montrait des jongleurs et des acrobates, on y représentait des pantomimes. C’est dans ces exercices et dans ces parades que Théodora parut devant le public. Encore trop enfant pour remplir un rôle, elle ne fit d’abord qu’accompagner comme une petite servante sa sœur aînée Comito, qui déjà était en faveur ; elle lui portait son tabouret, lui présentait divers objets, lui faisait des grimaces. Quand Théodora fut devenue grande, tout le succès fut pour elle. Elle n’était ni danseuse, ni chanteuse, mais acrobate pleine d’adresse et de grâce et mime pleine d’esprit et d’invention. Dès qu’elle entrait en scène,