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d’une certaine agitation : il exclut seulement l’aliéné dangereux pour lui-même et pour les autres.

Dès son arrivée, soit qu’il ait été envoyé à Gheel par une administration communale ou un asile quelconque, soit qu’il ait été adressé par sa famille après avis d’un médecin compétent, le malade passe en général quelque temps à l’infirmerie, où il est examiné et étudié par le médecin. S’il y a un diagnostic déjà porté, on voit à le confirmer ou à le modifier ; s’il n’y en a pas, on étudie le malade de façon à se rendre un compte exact de la nature de son affection et à décider s’il entre dans la catégorie des malades susceptibles de rester à Gheel, Ses paroles et gestes sont soigneusement notés par les infirmiers, la religieuse et le médecin ; le diagnostic ne tarde généralement pas à être bien établi. Si le malade est reconnu inoffensif, on s’occupe de le placer dans une famille.

On consulte alors le registre sur lequel sont inscrits les noms des hôtes et nourriciers de toute la commune. Les hôtes sont les habitans qui reçoivent les aliénés pensionnaires ; les nourriciers, ceux qui reçoivent les aliénés indigens. Nous l’avons déjà dit, un nourricier ou hôte ne doit recevoir qu’un seul aliéné : il y a cependant de nombreuses exceptions à cet article du règlement, motivées par le fait que beaucoup d’habitans de Gheel sont à même de mettre deux ou trois chambres à la disposition des aliénés ; en outre, le nombre de ces derniers que l’on désire placer à Gheel augmente sans cesse. En effet, dès 1865, la population de Gheel était fixée par les règlemens à 1,000 aliénés, soit 900 indigens et 100 pensionnaires ; en 1872 déjà, le nombre des habitans disposés à accepter des aliénés chez eux s’est accru dans une proportion telle que le chiffre de 1,000 est porté à 1,500 ; soit 1,285 indigens et 215 pensionnaires. La majorité des maisons visitées par nous, tant d’hôtes que de nourriciers, renfermaient deux, parfois même trois aliénés.

La nourriture doit être en général celle de la famille avec laquelle habite l’aliéné. En tous cas, il doit recevoir au moins 7 livres de pain et 2 livres de viande par semaine, indépendamment des légumes, du beurre et de la bière. Ces quantités peuvent être réduites de 1/6 pour les femmes et les enfans. Malgré les règlemens, on conçoit bien qu’en réalité la nourriture de l’aliéné n’est autre, en quantité et en qualité, que la nourriture habituelle du nourricier. Tel nourricier qui est plus à son aise se nourrit mieux que tel autre qui a besoin d’épargner. L’aliéné du premier est donc mieux nourri que celui du dernier, bien que le prix de pension soit le même. La nourriture est probablement ce qu’il y a de plus difficile à réglementer à Gheel, qui présente à cet égard un désavantage marqué sur les asiles fermés. Cependant, ces différences inévitables dans