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de l’envoyer serrer sur sa vergue : Ambroille ! Quatre hommes d’haut à plier le tréou ! Défournelle et vogue tout d’un temps ! Le général s’est porté à proue, avec le pilote et le comité pour mieux voir à prendre port, — opération toujours fort délicate par un gros temps, a Notre homme, dit-il, faites allester les deux fers et un cap pour porter à terre ! » Les fers sont bientôt lestes, — c’est-à-dire préparés, — et mis en mouillage ; les proyers — ceux qu’à bord de nos vaisseaux on appelle les gabiers de beaupré — se portent sur l’éperon. Le pilote réal prévient le général que le moment est venu de mouiller : « Notre homme, avertissez ! Faites maintenant donner fonde ! » Sur l’ordre du comite, le fer est jeté à la mer ; on colume la gume, — vous comprenez, j’espère, qu’on file le câble, — jusqu’à ce qu’on soit assez près de la côte pour y mettre un cap, — c’est-à-dire pour y envoyer une amarre. Les six proyers sautent à l’eau et vont porter le cap au rivage.


V

C’est ainsi qu’une flotte arrêtée par le gros temps ou par le vent contraire vient chercher un port de relâche : tout autres sont ses allures quand elle fait son entrée solennelle dans quelque port ami, par une belle journée de printemps, d’été ou d’automne. Plus de voiles alors, mais une vogue à la fois lente et majestueuse, une chiourme attentive aux coups de sifflet et aux ordres multipliés du comité.

Quelques instans avant d’entrer au port, le comité fisque sur l’ordre du général et, peu après, commande : « Lève rem ! Pulamante égale ! » Tous les avirons sortent à la fois de l’eau et s’alignent : tous les soldats se préparent à tirer : « En joue tout le monde ! Tirez ! » À ce commandement, les arquebusiers font feu ; les bombardiers amorcent et soufflent leurs mèches. Pour être majestueux, le salut de l’artillerie doit s’exécuter avec ensemble. Un cap de garde est monté au haut de la penne de mestre de la réale : il tient la bannière de Sainte-Barbe à la main ; il la tient haute et droite. Dès qu’il apparaît, les bombardiers à bord, de chaque galère saisissent leurs boute-feu. Le cap de garde abaisse brusquement la bannière : les bombardiers de la réale mettent le feu à la première bâtarde. À l’instant même, la tempête d’artillerie éclate : le feu s’est prolongé en quelques secondes sur la ligne. Les tambours et les trompettes mêlent leurs longs roulemens et leurs plus brillantes fanfares aux retentissantes volées des bâtardes et des moyennes. Un nuage de fumée enveloppe la rade, et chaque explosion nouvelle secoue jusque dans leurs fondemens les maisons du port. Le général promène autour