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Les chevaliers ne s’embarquaient qu’une heure avant le départ ; le patron seul couchait toujours à bord. L’équipage d’une galère de 26 bancs comprenait d’ordinaire 280 rameurs et 280 combattans, — 560 hommes en tout ; — l’armement consistait en 5 grosses pièces, — 1 canon de coursie de 48 livres de balles, 4 autres canons du calibre de 8, — et 14 pierriers. Pendant le combat, la défense de la poupe était confiée à 4 chevaliers et à A soldats, celle de la proue à 10 soldats, 4 chevaliers et 1 frère servant, qui, chargé de porter les ordres, était connu sous le nom de maître écuyer. Le second enseigne surveillait le tir des canons ; le comité, le sous-comite, l’écrivain, le sous-écrivain, l’argousin, se tenaient sur la coursie ; les courroirs ou arbalétrières étaient remplis de soldats armés de mousquets. On comptait généralement deux de ces mousquetaires par chaque intervalle de bancs.

« Quand on va aborder un vaisseau, prescrivaient les règlemens de la religion, aussitôt que la première décharge est faite, on saute dessus, si l’on peut. » Il ne demeure alors à bord de la galère que les chevaliers de la retenue de la poupe, le pilote, le timonier, le comité et le chevalier qui fait tirer le canon. Le capitaine peut aller depuis la poupe jusqu’à l’arbre de mestre, et le patron depuis l’arbre de mestre jusqu’au trinquet. Les mariniers des rangs, — les buonevoglie, — engagés à deux écus par mois, sont, la plupart du temps, quand arrive le moment de combattre, déchaînés. Ils doivent avoir l’œil sur les Turcs, et « on leur donne la permission de sauter sur la galère ennemie. » Quant aux blessés, on les porte dans les chambres de la galère, où les attendent l’aumônier et le chirurgien.

« Dans le combat, dit encore le règlement des galères de la religion, on n’observe point l’ancienneté parmi les galères. Va qui peut. Mais si les ennemis étaient extrêmement forts, on irait en bon ordre, c’est-à-dire chacun selon son ancienneté, et on canonnerait quelque temps avant d’aborder. » On serait bien sûr ainsi, me permettrai-je de faire observer, de n’aboutir à aucun résultat. Extrêmement forts ! Que faut-il entendre par ce mot ? L’expression n’eut probablement pas la même valeur à toutes les époques. « On ne doit éviter l’ennemi, ordonnait en 1342 le roi don Pèdre d’Aragon, que s’il se présente avec des forces doubles de celles dont soi-même on dispose. Deux galères catalanes n’hésiteront pas à combattre trois galères ennemies ; avec trois galères vous en affronterez quatre ; avec cinq, ne craignez pas d’en attaquer sept. » La doctrine de don Pèdre était-elle encore, au XVIIe siècle, celle des chevaliers de Malte ?

Comme toutes les institutions de ce monde, la grande compagnie finit par dégénérer. L’amiral Lalande se rappelait fort bien en 1840 avoir jadis connu, dans sa jeunesse, un bailli ou un vidame, —