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césarisme. Les Canadiens peuvent donc, en toute vérité, répéter aux Américains le mot de M. Joseph Tassé : « Nous ne voulons pas de l’annexion, parce que nos institutions politiques sont plus libres que les vôtres. »

Devant le parlement de Québec, la cause de la confédération, après un mois de débats, triompha à une forte majorité : les démocrates trouvèrent trop monarchique et trop aristocratique la nouvelle constitution, d’autres exprimèrent la crainte qu’elle ne portât un coup à la nationalité française et qu’elle n’augmentât singulièrement les dépenses. Sous l’influence des États-Unis, les provinces maritimes se montrèrent d’abord hostiles et firent échec au projet ; mais le gouvernement impérial s’appliqua lui-même à calmer leurs appréhensions, l’opinion publique se modifia, un nouveau ministère se forma dans le Nouveau-Brunswick et ordonna des élections générales : au mois de juin 1866, les chambres adoptaient des résolutions favorables à la confédération. Un semblable revirement ne tarda pas à se manifester dans le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse, grâce à l’accord de M. Tupper et du chef de l’opposition, M. Archibald ; seules les îles du Prince-Edouard et de Terre-Neuve persévérèrent dans leur refus. Le projet ne rencontra aucune opposition de la part de la chambre des lords ni de la chambre des communes, et, le 1er juillet 1867, la confédération était inaugurée au milieu des réjouissances publiques. On donna aux provinces réunies le nom assez baroque de Dominion of Canada, puissance du Canada, celui de province de Québec au Bas-Canada, celui d’Ontario au Haut-Canada. Lord Monk prêta serment comme premier gouverneur du Dominion, et choisit pour principaux ministres MM. Mac-Donald et Cartier, ceux-là mêmes qui, ayant créé le nouveau régime, se trouvaient justement appelés à le faire fonctionner.


VI

J’ai entendu conter quelque part l’apologue suivant. Au commencement du monde, Dieu conçut l’idée de le peupler par des créatures vivantes, des arbres et des fleurs. Un jour donc, comme c’était le régime parlementaire qui régnait alors, il assembla sa chambre et apporta sur le bureau le projet de la Rose, en y joignant le dessin de la fleur parfumée et délicate, telle que nous le possédons aujourd’hui. Un grand brouhaha se fit aussitôt dans la majorité et des amendemens nombreux se mirent à pleuvoir. Quelques.députés allèrent même jusqu’à protester contre ce qu’ils taxaient d’inutilité ruineuse et en appelèrent à la conscience publique. Celui-ci s’élance à la tribune et dépose un amendement tendant à