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supérieure à la tranche d’eau pluviale, qui, en moyenne, ne dépasse pas 0m, 60.

Ces conditions climatologiques, à raison surtout de l’époque où elles se produisent, au voisinage du solstice d’été, de mai en août, ont une influence des plus caractérisées sur la végétation, qui se ralentit et cesse même complètement en cette saison à la surface d’un sol desséché. L’agriculture dans cette région est toute différente de ce qu’elle est ailleurs. Si les céréales, que l’élévation générale de la température permet de moissonner de bonne heure, dans la deuxième quinzaine de juin, peuvent à la rigueur se prêter aux exigences d’un tel climat, les autres récoltes, qui n’achèvent leur maturité qu’en automne, ne peuvent nullement s’en accommoder.

On est généralement porté à admettre que l’arrosage seul peut obvier aux inconvéniens d’un pareil climat. On ne cesse de recommander les avantages des irrigations. Il y aurait paradoxe de ma part à vouloir les nier, mais je crois cependant qu’on s’en est exagéré la nécessité, en tant du moins qu’il s’agit d’irrigations de surfaces, telles qu’elles se pratiquent sur les prairies.

La terre battue, que l’on tient imbibée d’eau, dans laquelle la capillarité peut agir librement, évapore autant et peut-être plus d’eau qu’une surface liquide exposée à l’air libre[1]. De juin en août cette évaporation peut aller parfois jusqu’à 0m, 008 et même 0m,010 par jour sur les côtes de la Méditerranée, et c’est sur ces bases extrêmes de grande évaporation que doit être nécessairement calculé le débit d’un canal d’arrosage, soit 80 à 100 mètres cubes de consommation journalière par hectare, correspondant à un débit continu de 1 litre par seconde. Toutes nos ressources hydrauliques ne sauraient évidemment suffire à arroser de grandes étendues de terrains sur de telles bases.

L’irrigation superficielle est loin d’ailleurs de donner toujours des résultats en rapport avec cette énorme consommation d’eau. Si elle supplée directement au manque d’humidité superficielle résultant de l’évaporation, elle rachète cet avantage par le refroidissement du sol provenant de cette évaporation elle-même. En fait, l’irrigation ne donne pas les produits agricoles, elle ne crée pas

  1. Les chiffres donnés dans la note précédente ne s’appliquent qu’à l’évaporation mesurée dans un bassin couvert, à l’abri de la pluie et par suite de la radiation solaire directe, qui doit augmenter très notablement l’évaporation, entièrement à l’air libre, en plein champ.