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l’engrais et n’en apporte habituellement que fort peu avec elle. Elle a surtout pour effet d’utiliser l’engrais restitué au sol, de lui permettre de se reconstituer rapidement en fourrages comestibles pour les animaux. En dehors des conditions exceptionnelles qui peuvent se présenter au voisinage des grandes villes qui fournissent d’abondantes quantités d’engrais, qu’il est avantageux de transformer sur place en fourrages ; dans les conditions normales d’une exploitation rurale qui doit vivre de ses propres engrais, la culture superficielle en prairies arrosées ne pourra jamais fructueusement s’étendre que sur des surfaces très restreintes, qui, dans la moyenne de notre territoire, ne sauraient certainement en dépasser le dixième.

Mais il est, fort heureusement, certaines productions agricoles, les cultures arbustives en général, la vigne particulièrement, qui peuvent braver la sécheresse estivale. Avant d’examiner jusqu’à quel point un surcroit d’humidité artificielle pourrait cependant leur être utile, il est bon de se demander par suite de quelles circonstances ces cultures prospèrent là où d’autres sont impossibles ; comment, par exemple, la vigne, dans l’état normal, avant l’invasion du phylloxéra, pouvait non-seulement produire ces récoltes exubérantes spéciales au Bas-Languedoc, mais encore se maintenir verte et luxuriante dans des terrains identiques à ceux où côte à côte se dessèche la luzerne, bien que cette plante fourragère enfonce parfois ses racines pivotantes beaucoup plus bas que ne le fait la vigne. Peu de personnes se sont posé cette question, bien moins encore ont su y répondre, et cependant l’explication est si simple qu’on trouvera peut-être qu’il n’y a pas grand mérite de ma part à la donner ici.

Cette cause particulière du succès des cultures arbustives pro vient uniquement du mode uniforme de culture qui leur est appliqué et qui peut se résumer en un mot : le binage. Par des labours et des façons à la main constamment renouvelés, nos agriculteurs ne cessent d’ameublir la surface du sol, constituant une couche de terre friable qui, interrompant la continuité des conduits capillaires, emprisonne en quelque sorte l’humidité du sous-sol à l’abri des actions extérieures. L’évaporation se concentre ainsi dans l’appareil distillatoire des racines qui, puisant lentement dans cette réserve d’humidité, peuvent pendant un assez long temps suffire à la consommation de la sève qui nourrit les parties extérieures, fruits et rameaux du végétal. Tel est, résumé en peu de mots, le principe du procédé de culture qui, sanctionné par l’expérience d’une longue pratique, est exclusivement employé dans notre région méditerranéenne. Grâce à lui, l’olivier, l’amandier, le