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les champs ; on ne s’étonnera plus autant de le trouver versé dans l’agriculture, l’élevage et même l’entretien des jardins. De même, les magistratures de son père peuvent être la source de ce goût que montra Shakespeare pour les matières juridiques, et de la connaissance qu’il en acquit plus tard. Ce goût et cette connaissance sont choses si notables, qu’on a voulu croire que William avait dû traverser au moins la carrière judiciaire : une patiente recherche à travers les archives de tous les hommes de loi, par toute l’Angleterre, n’en a pu fournir la moindre preuve. Il n’est pas indifférent de savoir qu’il put apprendre les premières notions du droit, auprès de son père, à Stratford. L’enfant qui devait être un tel homme dut posséder, dès ses premières années, la puissance pour percevoir, comprendre et se souvenir.

A l’âge de sept ans, comme il était d’usage, l’enfant fut mis à l’école libre (freeschool) de Stratford. Il devait, pour y pouvoir entrer, avoir reçu d’avance les premiers élémens. C’est donc probable qu’il apprit à lire et à écrire chez ses parens, qui tinrent à honneur, comme il arrive souvent, de lui donner l’instruction qu’eux-mêmes ne possédaient pas. L’école libre ne se bornait pas à l’enseignement primaire. On y apprenait le latin, assez, dit-on, pour pouvoir entretenir en cette langue une correspondance ; assez du moins pour pouvoir lire quelques auteurs classiques : cela est plus important. Quels furent les livres que l’enfant put trouver, enchaînés à son pupitre, dans l’école de Stratford ? Bien peu nombreux devaient-ils être, et bien élémentaires, Ce fut le livre de rudiment que l’on nommait « Accidence », et dont une page entière est citée dans les Joyeuses Commères. Ce furent les Sententiœ pueriles, un de ces recueils d’adages et d’apophtegmes, tant sacrés que profanes, comme le moyen âge en vit tant compiler. Ce fut encore la grammaire latine de Lilly, et peut-être aussi quelque auteur classique, quelque fragment des Métamorphoses d’Ovide, quelque ancien recueil de fables. Peu de choses assurément. La Renaissance mit du temps à faire pénétrer l’usage des classiques dans les parties reculées de l’Angleterre. L’enfant ne put pas acquérir une connaissance bien sérieuse de l’antiquité ; il acquit du moins un instrument, indispensable en ce temps plus qu’en tout autre à toute étude et à toute lecture, la langue latine Shakspeare, au dire de Ben Jonson, possédait « peu de latin et moins de grec. » On peut même admettre qu’il ne sut pas de grec du tout ; mais ce peu de latin suffit pour expliquer l’usage d’auteurs non traduits, si l’on trouve vraiment la preuve que Shakespeare dut les connaître.

Cependant William ne put achever ses études. Son père le retira brusquement de l’école en 1579. Il n’en résulte pas qu’il n’apprit rien. Il avait quinze ans, et il était depuis huit ans écolier. Il eut