Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politique, un jugement prononcé sur une série de fautes, sur des excès de parti, des violences de secte et des imprévoyances de gouvernement : tout cela manifesté plus ou moins distinctement par une réaction croissante d’opinion. C’est là ce qui s’est passé, c’est ce qui a créé cette situation nouvelle dont on a le sentiment. La vérité est, en effet, que tout a singulièrement changé en peu de temps dans les conditions de la vie publique de la France, que les partis, rentrés dans le parlement nouveau en ce moment réuni, ne se retrouvent plus dans les mêmes proportions ni dans les mêmes relations, que toutes les combinaisons, tous les calculs sont confondus. On est réduit aujourd’hui à s’observer, à chercher sa voie, à se demander, non sans quelque anxiété, ce qui arrivera. Tout le monde en est là, et au lieu de se payer de mots et de jactances, au lieu de se figurer qu’ils peuvent remédier à tout avec des réunions plénières, avec des expédiens ou des représailles de parti, les républicains qui ont encore la majorité, mais qui ne sont plus aussi sûrs de la garder qu’ils affectent de le croire, seraient les premiers intéressés à aller au fond des choses, à voir clair dans leur situation. Ils feraient beaucoup mieux d’avouer simplement et virilement qu’ils se sont trompés, de reconnaître que, s’il y a des crises peut-être décisives pour les institutions nouvelles, c’est qu’ils les ont préparées en faisant de la république une domination de parti, un régime de confusion, de discrédit et d’effacement forcé pour la France devant le monde.

Au fond, c’est là la première, la grande question qui domine toutes les autres. Non, sans doute, ces trois millions et demi de voix qui ont été données à des conservateurs aux élections dernières, et avec lesquelles on sera bien obligé de compter aujourd’hui, ne sont pas toutes essentiellement, systématiquement, des voix ennemies pour la république ; mais elles sont certainement une protestation contre la politique qui a fait de la république ce qu’elle a été jusqu’ici, un régime aussi pénible pour l’orgueil que pour les intérêts de la France, et cette politique, ce sont bien les républicains seuls qui l’ont voulue, qui l’ont imposée, uniquement pour satisfaire leurs passions et leurs préjugés. Ils restent d’autant plus responsables devant l’opinion qu’ils ont été entièrement libres dans leur choix, que rien ne les obligeait à faire ce qu’ils ont fait. Assurément lorsqu’ils arrivaient au pouvoir il y a quelque dix ans, il y a surtout sept ou huit ans, ils avaient une chance heureuse, ils prenaient la direction des affaires dans les conditions les plus favorables. Les grandes difficultés léguées par une effroyable guerre étaient à peu près vaincues. La France, a demi remise de ses épreuves, délivrée de l’occupation étrangère par le paiement de toutes ses rançons, ne demandait qu’à vivre en paix avec elle-même et avec toutes les nations. La république, après avoir été longtemps contestée, venait d’être définitivement fondée par le vote d’une constitution qui