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ennemis d’hier ; ils consentiront, par exemple, à ne pas proposer la mise en accusation de M. Jules Ferry et de ses collègues de l’ancien ministère, — à la condition toutefois que ceux-ci et leurs amis voteront une amnistie en faveur des condamnés politiques, anarchistes, socialistes, praticiens de l’émeute et de la dynamite pour la bonne cause. De sorte que M. Jules Ferry et ses amis auraient à payer rançon pour échapper à une mise en accusation ; à la rigueur même on pourrait croire que l’amnistie réclamée s’applique à eux comme aux condamnés politiques qu’on veut délivrer. C’est là ce qui s’appelle sceller l’alliance entre républicains ! Il y a un autre point sur lequel on est d’accord : c’est l’épuration nécessaire du personnel administratif, financier, judiciaire, par la raison bien simple que, si les républicains ont échoué aux élections, c’est qu’évidemment tous les fonctionnaires sont des traîtres, eux, leurs femmes, leurs alliés et leurs amis. Mais, direz-vous, c’est une opération qui a déjà été faite et qui n’a eu qu’un médiocre succès pour l’administration, qui n’a servi qu’à avilir les mœurs par le développement de la délation et des plus vulgaires convoitises. N’importe, c’est le procédé républicain. Il faut épurer encore une fois, — bien entendu jusqu’au jour où l’épuration recommencera à l’égard de ceux qui auront remplacé les épurés d’aujourd’hui. Et on va gravement porter au gouvernement, à M. le président du conseil ces doléances, ces propositions comme le programme de la « concentration » républicaine, de la reconstitution de la majorité ! C’est là ce qui s’appelle comprendre les choses.

Les républicains ne voient pas qu’au lieu d’aborder sérieusement une situation devenue difficile pour eux, ils ne font que tout méconnaître et tout aggraver en rendant plus éclatante la contradiction qui s’est manifestée aux dernières élections entre les vœux du pays et leur politique. Le pays a certainement demandé la paix religieuse et civile, l’ordre des finances, la prévoyance et la modération dans l’administration de ses affaires ; les républicains répondent par des désordres d’esprit, par des colères, par des programmes où ils inscrivent pêle-mêle les épurations, les réformes radicales, l’évacuation du Tonkin, la dénonciation du concordat, justement à l’heure où un grand pape parle, en politique supérieur, de conciliation et de paix. Si c’est ainsi qu’ils entrent dans la session nouvelle, qu’ils pensent relever les affaires de la république, réparer le mal que leurs passions et leurs systèmes ont fait à la France, ils s’abusent étrangement ; ils risquent fort au contraire de donner une force nouvelle et croissante à une réaction qu’ils ont provoquée et qui pourrait ne pas s’arrêter devant leurs menaces.

Les difficultés de vie publique ont un caractère particulier en France ; elles ne sont pas uniquement et exclusivement dans notre pays, nous en convenons. Il y en a un certain nombre, de plus d’un genre, en