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lointaine. C’est là ce qu’ils ont appelé la république ! Le résultat a été ce qu’il pouvait être, particulièrement pour la position de la France dans le monde. Il est certain que les gouvernemens monarchiques ne redoutent guère la contagion de nos exemples dans leurs états, et que les peuples eux-mêmes semblent assez peu portes à nous envier ou à nous imiter, que malheureusement personne ne paraît craindre ou rechercher notre influence. On nous laisse à nos expériences, à nos agitations stériles, à nos guerres de secte ; on s’accoutume à se passer de nous, et il serait peut-être permis de se demander si le conseil municipal de Paris, qui est un personnage essentiel de la république ainsi comprise, n’a pas contribué par son esprit à éloigner bon nombre d’étrangers qui avaient l’habitude de rechercher l’hospitalité de la grande ville. La France elle-même, la France comme nation, nous persistons à le croire, n’a pas perdu l’estime et les sympathies du monde ; mais il est bien clair que depuis longtemps on sait au dehors ce qu’on doit penser de ceux qui gouvernent la France, et le jour est venu où le pays lui-même a saisi l’occasion de manifester son opinion sur une politique par laquelle il se sent effacé et diminué devant l’Europe.

Eh bien ! toute la question est de savoir aujourd’hui si les républicains veulent reconnaître les fautes par lesquelles ils ont compromis la république, ou s’ils ne voient dans les élections dernières qu’un encouragement à continuer la politique qui a si merveilleusement réussi. A vrai dire, les républicains, tout à la fois effarés des progrès des conservateurs dans les élections et à demi rassurés par la majorité incohérente qu’ils ont gardée ou retrouvée eux-mêmes au second scrutin, semblent singulièrement perplexes. Ils sentent bien qu’il y a eu, qu’il y a peut-être encore un danger ; ils ne voient pas ou ils ne veulent pas voir ce qui a préparé ce danger, ce qui a créé cette situation si étrangement ébranlée où ils se trouvent, et, faute de se rendre à l’évidence îles choses, ils se figurent qu’ils remédieront à tout encore une fois avec des expédiens de parti, avec d’équivoques procédés de stratégie parlementaire.

Ils croient tout sauver avec des replâtrages de factions rivales, avec des réunions plénières imaginées pour refaire entre tous les républicains, révolutionnaires et modérés, une alliance sans laquelle il n’y aurait pas même une majorité dans le nouveau parlement. Or, quel est jusqu’ici le caractère, quel est le seul résultat de ces tentatives passablement confuses ? La seule chose évidente, c’est la soumission à merci des opportunistes rendant les armes devant les radicaux, qui se considèrent comme les maîtres de la situation nouvelle, qui ne le sont pas autant qu’ils le prétendent, mais à qui on le laisse dire. Ces radicaux, d’ailleurs, sont d’humeur débonnaire, ils sont prêts à faire des concessions pour le bien de la paix et de l’union entre frères