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même dans la participation aux bénéfices, dont je vais parler. Mais ce sont questions d’épicerie, et les grands esprits n’en ont cure.


II

La participation aux bénéfices n’a point fait, lors de sa venue au monde, autant de bruit que la coopération. Aucune fée ne lui a promis dès son berceau qu’elle renouvellerait la face de la société. On pourrait même dire qu’elle a vécu sans recevoir de nom pendant un espace de temps assez long, et que son baptême n’a pas, comme il est d’usage, suivi de près sa naissance. Pour sortir des métaphores et parler clairement, il y a bien longtemps que, dans certaines entreprises industrielles, le travail perçoit, en plus du salaire fixe, une rémunération supplémentaire et variable, prélevée sur les bénéfices. La combinaison dont je parle peut revêtir des formes diverses. Ce sera, par exemple, une prime accordée à l’excédent de production sur une moyenne donnée ou bien à l’économie réalisée sur un devis établi d’avance. Mais, de ces deux combinaisons et de bien d’autres encore qui peuvent être mises en usage, le principe est le même : intéresser l’agent producteur au bénéfice résultant, pour celui qui l’emploie, de son activité ou de son économie. Le système des primés, qui est d’un usage constant et déjà ancien dans l’industrie, n’est donc pas autre chose qu’une application de la participation aux bénéfices, puisque c’est, en définitive, sur le bénéfice réalisé par rapport à telle ou telle prévision que le patron prélève par anticipation une part au profit de son personnel salarié. Mais ce n’est point à cette participation fractionnée qu’on applique le nom générique de participation aux bénéfices, si fort en honneur depuis quelques années. Les partisans de ce système (un peu moins nouveau, en réalité, qu’ils ne se le figurent) désignent par là uniquement la distribution annuelle au personnel salarié d’un établissement commercial ou industriel, d’une part plus ou moins grande du bénéfice net réalisé par cet établissement pendant l’exercice clos. Cette distinction était nécessaire pour comprendre la nature des objections que la participation aux bénéfices, ainsi entendue, soulève chez certains esprits ; car le système des primes à la production ou à l’économie n’en a jamais fait naître, que je sache, aucune, sinon dans ses applications diverses, au moins dans son principe même. Au contraire, le système de la participation aux bénéfices a des partisans et des adversaires. Les uns, comme M. Charles Robert, qui est en France l’apôtre le plus éloquent et le plus convaincu du système, n’hésitent pas à déclarer que c’est une découverte comparable à celle de l’application industrielle de la vapeur. Au contraire, M. Leroy-Beaulieu, dans son beau livre sur la Question ouvrière au XIXe siècle,