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donne la note du patriotisme exubérant, mais compliqué, qui règne dans le plus brillant et le plus impressionnable des états confédérés, ils prétendaient que, placé entre la petite patrie et la grande, il avait assez cavalièrement fait bon marché de fa première. En tout cas, on put voir dès lors que personne n’avait, au sujet des destinées et des ressources de cette petite patrie, tout étourdie du choc et trop disposée à s’abandonner elle-même, des idées plus fermes, une foi plus tenace et plus agissante.

Pendant les trois ans qu'a duré son administration, de 1881 à 1884, il a donné au travail industriel et au développement de la richesse une si vive impulsion que le gouvernement national n’est pas fort éloigné d’en prendre ombrage et de trouver qu'en 1880 il n’a pas assez abusé de la victoire. Il ne manque pas de maladroits amis pour lui souffler à l’oreille qu'il faudrait démembrer de nouveau cette province incorrigible, qui s’obstine à faire plus de progrès que toutes les autres ensemble. D’autres, plus radicaux, ne parlent de rien moins que de la fédéraliser tout entière, comme on a fédéralisé sa principale ville, et de la mettre entre les mains du gouvernement national comme une captive. Voilà un rare et instructif exemple du degré d’absurdité auquel peut conduire une politique étroite et envieuse. C’est au nom du principe fédéral que l’on se livre à ces belles imaginations, dont l’exécution marquerait invariablement la fin de toute organisation fédérative.

L'excès même de ces alarmes montre du moins quelle force de ressort possède l’état qu'on voulait courber et quels ont été pour lui les effets d’une administration sachant vouloir et sachant agir. Pour marquer d’un trait la part du gouvernement du docteur Rocha dans cette œuvre de relèvement rapide de la province, il suffira de dire qu'on y a construit et livré à la circulation depuis 1881 près de 1,000 kilomètres de chemin de fer. Ce vigoureux coup de collier y a porté à 2,400 kilomètres l’extension du réseau ferré. Pour un état presque aussi grand, il est vrai, que la France, mais dont la densité de population dépasse à peine en moyenne 1 habitant 1/2 et dans les régions les plus favorisées n’atteint pas 6 habitans par kilomètre carré, c’est une belle proportion. Aussi des districts entiers, hier encore à peu près déserts et où la terre était à vil prix, ont-ils vu quadrupler leur importance et leur production. Un nouveau réseau de 1,500 kilomètres, dont le tracé est arrêté depuis 1883, a été sollicité par une compagnie nord-américaine. Divers incidens en ont retardé la concession; mais, du jour où elle sera accordée, on estime qu'il ne faut, pour achever les travaux, qu'un délai de quatre ans. Quand ce réseau supplémentaire sera fait, la province sera outillée, en fait de rails, d’un façon remarquable, et il ne restera plus à établir que les lignes d’intérêt local, les affluens des grandes lignes,