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Deutéronome. Mais quelle pénétration ! quelle sagacité à fouiller tout buisson qui remue ! Quelle habileté à faire lever des problèmes que les chasseurs moins perspicaces n’avaient pas aperçus ! Certaines conclusions ont été tirées hâtivement. Les questions, du moins, ont été posées avec une rare netteté; on ne les déplacera plus. Bon gré, mal gré, il faudra venir au champ clos que ces savans maîtres ont tracé.

La Bible hébraïque se divise en cinq ou six recueils, ayant, dans le volume total, leur unité séparée. Il y a d’abord la partie historique ou légendaire, en laquelle la partie législative est maintenant intercalée. — Il y a ensuite le rouleau prophétique, contenant les pièces d’une douzaine d’orateurs ou d’écrivains qui vont de l’an 800 à peu près jusque vers l’an 500 avant Jésus-Christ. C’est de beaucoup la plus importante partie de la Bible. Si nous n’avions pas ces écrits, le plus souvent datés avec précision, le doute pourrait envahir toute l’histoire israélite. — Le recueil des hymnes ou psaumes serait presque aussi instructif, si les circonstances auxquelles ces pièces se rapportent étaient connues ; malheureusement, parmi les cent cinquante morceaux qui composent le livre, à peine en est-il une dizaine qu’on puisse dater avec certitude. — Le recueil des écrits sapientiaux est d’un rare intérêt ; mais les données chronologiques, si avidement recherchées par la critique moderne, y manquent le plus souvent.

La partie historique de la Bible est donc, si on sait la combiner avec la partie prophétique, le grand sillon qu’il faut suivre pour pénétrer en cette mystérieuse antiquité. L’historiographie d’Israël s’élève, dans le désert des autres histoires, tantôt en colonne d’ombre, tantôt en colonne de lumière. Les secours ordinaires de la critique, la numismatique, l’épigraphie, manquent ici tout à fait[1]. L’égyptologie et l’assyriologie éclairent d’une vive lumière quelques parties des documens hébreux, mais ajoutent aux textes historiques de la Bible peu de renseignemens directs. La Grèce ne sut rien de ce monde, fermé pour elle et discret à l’excès. L’historiographie Israélite ne peut donc être contrôlée que par elle-même ; mais telle est la bonne foi avec laquelle se firent ces compilations antiques, qu’elles nous fournissent presque toujours les moyens de rectifier les changemens de point de vue amenés par le temps. Un esprit exercé, lisant d’un bout à l’autre les livres de la Bible dits historiques, arrive à voir, avec une très grande vraisemblance, les remaniemens successifs que ces livres ont subis et les littératures perdues dont les fragmens sont cachés dans leurs substructions.

  1. On ne possède que deux grandes inscriptions hébraïques antérieures à la captivité.