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Quoi qu’il en soit, ce que l’on admet communément, c’est que l’art dramatique ne prit qu’assez tard en Chine une forme régulière, et seulement aux environs du VIIIe ou IXe siècle de notre ère, sous la dynastie des Thang. Il ne nous est malheureusement rien parvenu de ses premiers essais, et, pour trouver non-seulement de vraies pièces, mais des pièces tout simplement, il faut descendre jusqu’aux dynasties des Kin et des Youen, c’est-à-dire jusqu’au milieu de notre XIIe siècle. Les véritables monumens de l’art dramatique, en Chine, se trouvent donc être ainsi contemporains du règne de Philippe-Auguste. Lorsque M. Bazin, jadis, et M. Paul Perny nous le disaient, on pouvait craindre qu’ils ne fussent mal ou incomplètement informés : le général Tcheng-ki-tong, n’en disant pas, et sans doute n’en sachant pas plus qu’eux, nous sera garant de la valeur de leurs renseignemens. À défaut d’autre utilité, son petit volume aura celle du moins de venger nos sinologues de tant de sottes plaisanteries qui pourraient bien les avoir empêchés de continuer leur œuvre.

Le répertoire des Youen, comme on l’appelle en Chine, comprend à peu près six cents pièces. M. Paul Perny, dans sa Grammaire de la langue chinoise, a donné les titres d’une centaine d’entre elles et signalé brièvement les plus intéressantes : la Courtisane savante, l’Enfant prodigue, les Caisses de cinabre, le Songe de Liu-tong-pin, l’Orphelin de la famille Tchao, d’où Voltaire a tiré son Orphelin de la Chine. M. Bazin, dans le Journal asiatique (1850-1852), en avait jadis donné l’analyse sommaire, et, pour plusieurs d’entre elles, des extraits étendus, dont il a inséré ceux qu’il jugeait lui-même les plus intéressans ou les plus caractéristiques, dans le volume de l’Univers pittoresque intitulé Chine moderne. Enfin, le même M. Bazin, sous le titre de Théâtre chinois[1], en a traduit quatre intégralement, qui sont : les Intrigues d’une soubrette, la Tunique confrontée, la Chanteuse, et le Ressentiment de Teou-ngo. En y joignant le Pi-pa-ki, traduit encore par M. Bazin, l’histoire du cercle de Craie, l’Avare, l’Histoire du pavillon d’Occident, traduits par Stanislas Julien, on voit que si nous ne connaissions pas le théâtre chinois avant M. Tcheng-ki-Tong, ce n’était pas au moins manque de documens. Nous attendions de lui qu’il nous traduisît à son tour ou nous analysât quelques-unes des pièces que nous ne connaissons point.

Comme ils nous les avaient fait connaître, ce sont aussi nos sinologues, avant même peut-être la naissance du général Tcheng-ki-tong, qui ont essayé de mettre un peu d’ordre, — à l’européenne, — dans le répertoire des pièces du siècle des Youen, Ils y ont donc distingué, d’une

  1. Théâtre chinois, ou choix de pièces de théâtre traduites par M. Bazin aîné. Paris, 1838 ; Imprimerie royale.