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École. » Voilà une École proprement arrangée. Je signale ce critique, ou plutôt cet historien, à la juste colère de M. Zola : il s’appelait Pan-kou, et vivait au Ier siècle de notre ère. Ceux des romans chinois que nous avons pu lire ne méritent pourtant pas cet excès de sévérité. Il y est ordinairement question de s’établir en mariage, et pour cela de réussir dans les examens, ce qui ne me paraît pas autrement immoral, ni d’ailleurs plus chinois que français. La critique la plus générale et la plus juste aussi que l’on en puisse faire, c’est qu’il ne s’y passe pas grand’chose, que les détails y sont bien futiles et les conversations bien prolixes, que les héros n’en ont rien de rare, mais plutôt d’assez ordinaire. Sont-ce les seuls romans dont on doive le dire ? Je n’y vois guère, en y regardant bien, qu’un ou deux traits vraiment locaux, comme par exemple l’admiration des personnages constitués en dignité pour les jeunes gens qui manient agréablement le oven-tchang ou le ché-ouen. Le ouen-tchang, c’est la prose élégante, la prose académique ; « chaque mot y brille comme une perle fine ; » et pour le ché-ouen, on ne saurait rien imaginer de plus beau, dit un savant jésuite, ni d’ailleurs de plus vide : pulchrius ac inanius. Ce sont des sons, dit-il encore, qui caressent voluptueusement l’oreille, ce sont des fleurs uniquement assorties pour le plaisir des yeux. Plusieurs de nos contemporains ont écrit très bien en ché-ouen, les Paul de Saint-Victor, entre autres, et les Théophile Gautier. Mais tout en rendant au ouen-tchang et au ché-ouen les hommages qu’ils méritent, les romanciers chinois, pour leur part, ont préféré le kouan-hoa, comme plus souple, plus propre à prendre tous les tons, et ainsi plus convenable à la familiarité du genre.

Ce qui est vrai du roman chinois l’est enfin du théâtre. Mais c’est peut-être ici surtout que le manque de renseignemens se fait sentir, et c’est pourquoi j’en veux beaucoup au général Tcheng-ki-tong, ayant eu l’air de nous les promettre, de ne nous en avoir guère donné. « Le caractère sérieux et austère des anciens sages de la Chine, dit à ce propos un savant missionnaire[1], ne pouvait accepter le délassement du théâtre,.. et la première fois qu’il est question du théâtre dans l’histoire chinoise, c’est pour louer un empereur de la dynastie des Chang d’avoir proscrit ce vain plaisir. » Mais on a fort disputé sur ce texte, et, — rapprochement assez curieux, — la controverse est la même qui s’est élevée chez nous sur les textes des pères de l’église chrétienne : à savoir, s’il s’agit ici de comédiens ou d’histrions, et du théâtre proprement dit ou de la danse, de la pantomime et autres divertissemens toujours et partout, on le voit, un peu mêlés d’obscénité.

  1. Grammaire de la langue chinoise, orale et écrite, par M. Paul Perny. Paris, 1873-1876 ; Maisonneuve et Leroux.