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formait le fond de la période suivante. L’imagination israélite, toujours enivrée des parfums de la vie nomade, groupa autour de ces noms tout ce qu’elle avait de charme et de poésie. L’histoire vraie, quoique étrangement mêlée de fables encore, commençait avec le séjour des tribus Israélites sur les confins de l’Égypte. La protection particulière de Iahvé sur Israël se montrait en la manière dont il tira son peuple de la captivité et le fit subsister dans le désert. La vie du chef légendaire qui guida le peuple en cette épreuve, Mosé, commençait à se dessiner, et sûrement le miracle y tenait déjà une très grande part ; mais l’idée, à ce qu’il semble, n’était encore venue à personne que ce Mosé eût été en quoi que ce soit législateur et qu’aucune loi divine lui eût été révélée.

Les souvenirs d’Israël prenaient un degré particulier de précision et de réalité à partir du moment où le peuple, après avoir traversé le désert, s’approchait du pays de Chanaan. Ici, la tradition orale s’épaulait de documens positifs, savoir de chants populaires conservés dans la mémoire des tribus. Les plus anciens de ces chants se rapportaient à la source de Beër, au sud de Moab, et à la prise d’Hésébon. Le souvenir direct de la circonstance où ces chants avaient été composés était le plus souvent perdu ; mais le contenu des chansons fournissait des élémens pour recomposer un préambule historique, quelquefois, il est vrai, très fautif.

De cette double série de traditions résultèrent deux écrits qui se faisaient suite ou que, peut-être, l’on considérait comme un seul livre. Les idées d’alors sur l’identité des ouvrages n’étaient nullement celles de notre temps. L’un de ces écrits fut une sorte d’histoire patriarcale, première base de ce que nous appelons la Genèse, qui a été absorbée par les rédactions postérieures. Ce livre n’absorba-t-il pas lui-même des élémens écrits antérieurs? C’est ce qu’on ne saurait dire et ce qu’il serait peu intéressant de savoir, puisque ces documens antérieurs auraient été à peu près contemporains de la rédaction du livre lui-même et que la question d’unité d’auteur, en de telles conditions, n’a pas beaucoup de sens. Le livre dont nous parlons, autant qu’on peut l’entrevoir à travers les remaniemens des siècles suivans, n’offrait pas essentiellement le caractère d’un livre sacré. Il n’avait pas de tendance religieuse précise, bien que la préférence de Iahvé pour Israël y éclatât déjà. L’objet voulu avant tout était l’intérêt et le charme de la narration. Les temps primitifs de l’humanité y étaient racontés, bien qu’on puisse douter qu’il y fût question de la création et du déluge. Ces premières