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un prêtre du temple de Jérusalem, ayant à sa disposition les écrits qui se conservaient dans les archives depuis David. Son écrit, bien moins intéressant que celui du Nord, eut aussi beaucoup moins de publicité. Il sortit à peine des arcanes du temple de Jérusalem. Le texte historique qu’on entrevoit fréquemment derrière le texte des prophètes est presque toujours le texte dit jéhoviste. Il ne faut jamais oublier, d’ailleurs, que la lecture n’avait pas, à cette époque reculée, l’importance qu’elle eut plus tard. L’enseignement oral l’emportait encore de beaucoup sur le livre. L’Histoire sainte du Nord ne compta certainement jamais qu’un très petit nombre d’exemplaires. La rédaction de Jérusalem, jusqu’au jour où elle fut enchâssée dans un plus large ensemble, n’exista probablement qu’en une seule copie. On lisait peu alors ; la parole remplaçait le livre, et voilà pourquoi la parole affectait des formes si vives, conçues en vue de frapper la mémoire et de s’y imprimer.

C’est l’esprit de la Bible qui fut désormais un et immortel. L’école qui avait créé les deux livres jumeaux ne cessa plus. D’ardens zélateurs vont, pendant des siècles, inculquer la même doctrine : un Iahvé juste, protecteur du droit, défenseur du faible, exterminateur du riche, ennemi des civilisations mondaines, ami de la simplicité patriarcale. Les prophètes seront les prédicateurs infatigables de cet idéal. Le livre juif des Origines est, de nos jours, imprimé à des milliards d’exemplaires. Jamais il ne fut un ferment plus actif qu’à cette époque reculée, où, fixé à peine, il entretenait dans quelques âmes ardentes le feu sacré de la justice, de la discipline morale et du puritanisme religieux.


IV.

Le règne d’Ézéchias (725-696 avant J.-C.) est le moment décisif de cette grande activité prophétique qui fît de la religion d’Israël la tige même de la religion générale de l’humanité. Un événement capital donna à Jérusalem l’importance que cette ville n’avait pas eue jusque-là dans le développement d’Israël : ce fut la destruction du royaume du Nord, par suite de laquelle l’activité religieuse de la nation se trouva toute concentrée en Juda. Les deux royaumes, comme nous l’avons dit, avaient chacun leur rédaction de la primitive histoire des Beni-Israël, allant de la création à la division théocratique du pays par Josué. Le plan des deux livres était le même, la religion des deux auteurs la même aussi. Le livre du Nord, celui qu’on appelle le jéhoviste, avait une ampleur, une naïveté, une façon de concevoir le rôle de Iahvé, qui devaient plaire aux iahvéistes pieux, soit du Nord, soit de Jérusalem. Bien avant la destruction du royaume du Nord, le récit jéhoviste était accepté dans le monde pieux, mais