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Ce résultat, le plus durable des longs et indomptables efforts de la bourgeoisie, nous le devons à ces contemporains du consulat. Le régime de Bonaparte, en ces momens heureux, suivit et développa les inspirations des conseillers qui l’entouraient jusqu’au jour où, enivré et isolé par la puissance, il porta lui-même la main, en créant les majorats et le domaine extraordinaire, sur les principes d’égalité qui représentaient l’esprit de la révolution française.

Cette étude n’est pas un commentaire, ni un exposé des motifs du code civil, et nous n’avons pas à faire ressortir davantage son importance et ses bienfaits. En n’isolant pas absolument les institutions civiles du passé et en les liant à l’avenir, nos aïeux ont imprimé à leur ouvrage ce caractère de stabilité qui en garantit la durée.

Ainsi l’administration était organisée, les rapports entre l’église et l’état réglés, l’unité de la législation civile créée, mais un autre problème préoccupait la haute bourgeoisie : l’instruction et l’éducation de ses fils.

La mobilité et la contradiction des systèmes d’enseignement présentés depuis six ans opposaient de grands obstacles à la réorganisation des collèges. Les écoles centrales, qui en tenaient lieu, avaient besoin d’être réformées. Les classes d’histoire, de belles-lettres, de législation étaient désertes. Les cours de mathématiques, de chimie, de dessin étaient un peu plus suivis, parce que les sciences ouvraient les carrières lucratives. Quelques services qu’eussent rendus les anciennes congrégations enseignantes, la bourgeoisie ne songeait pas à les reconstituer. Elle croyait cependant qu’on pouvait emprunter à ces maîtres renommés leur système de direction, ce que le premier consul appelait « leur police morale. » Le système d’instruction publique, créé par la loi du 11 floréal an X, reçut tous ses développemens. Les enfans de la bourgeoisie envahirent les nouveaux lycées, qui s’élevèrent de toutes parts. La commission chargée de faire le choix des livres classiques pour chaque classe de latin et pour celle de belles-lettres avait marché sur la trace de Rollin et désigné en grande partie les auteurs, les méthodes acceptés dans les collèges de l’Oratoire ou des Pères de la Doctrine (rapport du 27 floréal). Mais les lycées étaient isolés, indépendans les uns des autres. L’avenir des maîtres qui se consacraient à l’enseignement secondaire n’était pas assuré; eux-mêmes n’étaient pas assujettis à une discipline commune. La bourgeoisie appelait de ses vœux la formation d’un corps enseignant; l’ordre civil se fortifierait ainsi par la création d’une sorte de corporation laïque dépendant de l’état. Les anciens patriotes de 89 voulaient, en majeure partie, que leurs fils ne fussent ni dévots ni athées. Ils les voulaient appropriés à l’état de la nation et de la société. Eu un mot, une institution