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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mars.

Jamais peut-être il ne fut plus nécessaire à un pays comme la France de mettre dans sa politique, dans toutes ses affaires de l’ordre et de la mesure, de l’esprit de suite, une raison attentive et vigilante. Cette nécessité, elle n’est pas seulement la conséquence invincible d’une série d’événemens dont le poids se fait toujours sentir, qui nous ont laissé un laborieux et accablant héritage ; elle résulte aussi d’un certain état du monde où tout, en vérité, est obscur, où aux difficultés extérieures se mêlent les crises sociales, économiques, industrielles, et où une nation sérieuse, qui tient à ne point abdiquer, ne peut garder sa position et son influence qu’en sachant concentrer ses forces, ménager ses ressources. Quand on a subi de dures épreuves, savoir se conduire, savoir éviter tout ce qui peut fatiguer, épuiser ou diviser le pays, c’est tout le secret de la politique : avec cela, on est toujours sûr de jouer son rôle. Malheureusement, c’est un secret que n’ont plus les grands politiques qui gouvernent la France depuis longtemps déjà, et pourvu qu’ils puissent satisfaire leurs passions ou suivre leurs fantaisies, ils ne s’inquiètent ni du passé, dont le souvenir devrait être un frein, ni de l’état du monde, qui serait de nature à leur imposer quelque prudence. Depuis qu’ils sont arrivés au pouvoir, on dirait qu’ils n’ont plus d’autre préoccupation que de s’y maintenir, de se créer une France pour eux et pour leurs amis, pour tous les républicains, — et avec leurs systèmes, avec leurs procédés, ils ont si bien fait qu’ils ont fini par mettre la faiblesse dans le gouvernement, le désordre dans les finances, la confusion dans les affaires industrielles comme dans les affaires morales. Ils ne sont pas toujours d’accord, il est vrai ; entre opportunistes et radicaux, il y a assez souvent des querelles de famille, même des querelles assez vives, assez amères. Le ministère,