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sont ceux que l’industrie de l’homme fait croître dans les jardins. L’eau est amenée aux villes et aux villages par des canaux souterrains, quelquefois très longs, que l’on nomme des kanots. Ils vont chercher l’eau au pied des montagnes qui bordent chaque plateau. L’eau des pluies ou de la fonte des neiges glisse sans s’arrêter sur la pente très raide de ces montagnes, traverse la première couche formée de cailloux siliceux pris dans une gangue marneuse, et ne s’arrête qu’en arrivant au niveau d’une couche de marne imperméable. Il se produit ainsi une nappe souterraine qui se répand de gradins en gradins jusqu’au versant du Golfe-Persique. C’est sur cette nappe que l’homme des hauts plateaux prélève, en l’arrachant aux entrailles de la terre, les eaux dont il a besoin pour fertiliser son jardin ou son champ.

Cette disposition résulte de la manière dont se sont formés les plateaux persans; en tous cas, elle a eu un curieux effet, il s’est passé pour ces pays l’inverse de ce que l’on est accoutumé à voir. Ailleurs, les villes se sont élevées sur le bord de cours d’eau préexistans ; ici l’homme est venu avant l’eau et a été contraint d’entreprendre de grands travaux dès le jour où il a voulu se fixer dans l’Iran. Il a dû construire et entretenir incessamment tous ces kanots qui lui permettent d’avoir des arbres fruitiers, du blé, du riz, du coton, du tabac, de l’opium supérieurs à ceux que produisent d’autres pays plus favorisés. Ces kanots exigent une surveillance continuelle. Elle s’exerce par des puits creusé de 20 mètres en 20 mètres, qui ont, d’ailleurs, servi au percement du kanot.

Un jour, frappés de l’état de décadence d’un enclos où les arbres flétris semblaient devoir prochainement mourir, nous avons demandé la raison du dépérissement de ce jardin : « Oh ! nous répondit-on, son maître est mort ! » Mot qui peint bien exactement l’état de la Perse ; si les hommes partaient, les arbres mourraient.

Quand on est sorti du petit territoire cultivé qui entoure un village, on parcourt 40 kilomètres, souvent le double, sur des plateaux pierreux, bordés de chaque côté par la même montagne. Il n’y croît que de rares touffes d’herbes. Point d’êtres vivans autres que des troupeaux de gazelles, auxquelles leur agilité permet de parcourir très vite ces grands espaces nus : un silence que rien ne trouble, rien qui attire particulièrement l’œil ; toujours le gris du sol sous l’immuable bleu du ciel, et cela jusqu’au prochain endroit où les hommes se sont groupés et ont amené l’eau.

Enfin, pour achever l’histoire de ces plateaux, il y règne une sécheresse extrême. La température y subit des variations considérables. Deux ou trois mois dans l’année, ils sont couverts de neige et l’été la chaleur est accablante, toujours supérieure à 40°