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occupé activement de la préparation de nos forces militaires, soit ; il a sûrement fait plus de bruit que de besogne, et il est bien clair, dans tous les cas, qu’il y a une sorte de disproportion offensante entre les services qu’il a pu rendre et le rôle débordant, encombrant qu’il s’est fait ou qu’on lui a laissé prendre. On dirait en vérité, depuis quelque temps, qu’il n’y a plus que M. le général Boulanger en France, que, s’il disparaît, tout est perdu. L’ancien ministre de la guerre s’est si bien accoutumé à ces façons dégagées de favori de la fortune qu’il ne peut plus rien faire comme un autre, que même à l’heure qu’il est, n’étant plus ministre, il se croit le droit d’adresser des ordres du jour à l’armée. Il se permet tout, et ceux qui, par leurs adulations servîtes, lui ont fait cette position, n’ont pas vu qu’ils ne réussissaient, depuis quelques jours, qu’à rendre plus sensible l’impossibilité de maintenir M. le général Boulanger au ministère. Au point où en étaient les choses, en effet, il était devenu évident qu’avec le général Boulanger au ministère, il n’y avait plus de gouvernement, et, encore une fois, on pouvait reprendre le vieux mot : Ceci obtenu, le reste viendra quand il pourra, la dictature est faite ! — C’est du moins le mérite de M. Rouvier d’avoir dissipé cette fantasmagorie en rentrant, s’il se peut, dans les conditions d’un régime libre que d’autres ont laissé altérer.

Fut-il jamais un temps où il y ait eu plus d’affaires embrouillées et menaçantes, plus de troubles dans les relations des états, dans la vie intérieure des peuples, dans la politique, dans les idées comme dans les intérêts ? Jamais, à ce qu’il semble, on n’a plus vivement désiré la paix, le repos, la stabilité, et jamais le monde ne s’est senti plus profondément remué, comme fatalement entraîné dans toute sorte de crises aussi vagues que redoutables. L’histoire des confusions contemporaines, cette histoire où la France, nous en convenons, a pour le moins un des premiers rôles, est inépuisable, et compte chaque jour quelque épisode de plus, tantôt à l’Orient, tantôt à l’Occident. Et, qu’on le remarque bien, toutes ces questions qui s’agitent à la fois, sous toutes les formes, dans presque tous les pays, ne sont pas de celles qui restent locales et limitées, qui passent comme de simples accidens de vie publique. Elles touchent au plus profond des choses, à la paix et à l’équilibre du monde, à toutes les conditions de la vie morale ou matérielle des sociétés ; elles se lient à ce mouvement universel où elles prennent leur place, dont elles sont les élémens multiples. Incidens orientaux, problèmes religieux, crises industrielles et sociales, tout se mêle et se confond au cours troublé des choses. On a à la fois, sans parler de ce qui reste la mystérieuse obsession du monde, les éternelles affaires bulgares, les négociations dont le Vatican redevient le centre, les grèves nouvelles, les agitations révolutionnaires de la Belgique. Qu’en est-il de tout cela ?

Que deviennent ces affaires bulgares dont on parle toujours et qui