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révolutionnaire, nous reconnaissons dans cette façon de combattre quelque chose de fraternel.

C’est une raison de plus d’en parler à des lecteurs français. On ne saurait entretenir trop souvent notre pays de ces affaires catholiques, ce qui veut dire universelles. Indifférente ou mal renseignée, l’opinion vulgaire n’y voit que des querelles de sacristie. C’est un grand tort. Ces affaires touchent à nos intérêts les plus immédiats, et, par-delà les intérêts nationaux, à l’avenir du monde civilisé. D’ailleurs, tout ce qu’on voit, tout ce qu’on entend aujourd’hui à Rome ramène la pensée à ces problèmes : les conditions présentes de la papauté, les lendemains probables de l’institution. Entre tant de pages d’histoire qui se lèvent vivantes du sol romain, l’esprit revient sans cesse à cette page mystérieuse, il s’emplit des réflexions qu’elle suscite. Je me hasarde à proposer quelques-unes de ces réflexions. Je n’ignore pas ce que le sujet comporte de délicat. Il commande le respect dans la façon de dire, la prudence dans la façon de juger des personnes et des traditions très augustes. J’espère ne m’écarter ni de l’un ni de l’autre. Mais je n’eusse pas abordé cette étude, si je n’étais certain d’y apporter une indépendance absolue, une pensée dérobée à toute discipline de paroisse ou de parti.


I

Nos compatriotes ont quelque peine à se bien représenter les conditions du conflit entre la papauté et l’Italie. Ceux du camp religieux sont sujets à tomber dans une erreur historique, ceux du camp irréligieux dans une erreur d’optique.

Pour les premiers, la dépossession du saint-siège, consommée en 1870, est une abomination unique, un de ces cataclysmes qui interrompent la suite de l’histoire et marquent l’avènement de l’esprit de ténèbres. L’Italien le plus dévoué à la cause pontificale ne saurait ressentir d’aussi grands mouvemens de surprise et d’indignation. Il est mieux préparé à comprendre que la chute du pouvoir temporel fut le dernier épisode, le plus considérable si l’on veut, de l’évolution qui a noyé les petits états féodaux dans les grandes agglomérations nationales. Comme l’a dit M. A. Leroy-Beaulieu, « l’effondrement de la petite monarchie papale, que Pie IX et l’épiscopat dénonçaient aux politiques, aussi bien qu’aux croyans, comme un fait inouï et sans précédens, n’était qu’un cas particulier d’une loi générale, inflexiblement appliquée à toute l’Europe, à Cologne et à