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pontife, devenu le protecteur moral de la royauté et de la patrie italienne[1].

Je dirai plus loin combien ces façons de voir me semblent insuffisantes, et pourquoi elles me paraissent à côté de la véritable question catholique. En ce moment, je me borne à recueillir les opinions et à les exposer. Sans attacher plus d’importance qu’il ne convient aux brochures soi-disant inspirées, il faut les rapprocher de certains actes et de certaines paroles du saint-père, il faut tenir compte du sentiment régnant dans les divers milieux romains. D’après tous les indices, au cours de ces dernières années, le temps opérait sur l’esprit de Léon XIII ; cet esprit de tant de ressources cherchait peut-être une transaction honorable, il l’eût du moins envisagée sans révolte si on l’avait proposée. Sans doute, et pour me servir du langage théologique qui eût couvert la retraite, le pape n’aurait pas abandonné la thèse, la revendication intégrale du pouvoir temporel ; mais il eût discuté l’hypothèse, c’est-à-dire une transformation de ce pouvoir. En dehors des points de dogme, la chancellerie pontificale est accommodante sur le fond des choses, pourvu qu’on ne touche pas à son vocabulaire consacré. Une combinaison, — per combinazione, on sait quel rôle ce mot joue dans le parler et dans l’esprit d’un Italien, — n’était pas impossible à imaginer : co-souveraineté, investiture, ou toute autre formule respectueuse qui eût laissé au roi les réalités concrètes, au pape l’illusion et la majesté des mots. J’indique seulement le champ infiniment large des suppositions ; l’atmosphère en est saturée à Rome, elles ont dû passer par-dessus les murailles du Vatican, elles y mûrissaient peut-être, quand un incident imprévu a soudain rouvert les anciens horizons, relevé les courages fléchissans, ranimé chez le pontife les longs espoirs et les vastes pensées. L’Allemagne est entrée en scène dans la question romaine.


II

C’est le plus grand fait de ces dernières années et le chef-d’œuvre d’un maître ouvrier. La stupéfaction qu’il a provoquée au premier instant, dans les organes les plus graves de notre presse, avait quelque chose de bien triste ou de bien réjouissant, selon l’humeur qu’on apporte au spectacle des affaires humaines. Cette stupéfaction prouvait, d’une part, combien la préoccupation exclusive des

  1. R. de Cesare, l’Évolution historique de la papauté et de l’Italie, dans la Revue internationale du 25 mars 1887.