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second empire, lors de la percée des nouvelles voies de communication, on trouva, sur ces emplacemens, des pierres tombales couvertes d’inscriptions hébraïques qui ont été, je crois, déposées au musée de Cluny. À la fin du siècle dernier, deux champs de repos ont été achetés et consacrés par des israélites à la sépulture de leurs coreligionnaires. Ce fut Jacob-Rodriguez Pereire, agent des juifs portugais à Paris, qui résolut de créer un cimetière où, loin des autres communions, dormiraient à toujours les descendans d’Abraham ; il avait compté sans l’esprit de secte, qui n’a pas plus épargné le judaïsme que les autres religions. Les difficultés que lui suscitèrent les juifs du rite allemand, — aschkenasi, — furent telles qu’il dut renoncer à son projet primitif et n’ouvrir la porte de « la maison des vivans » qu’aux adeptes du rite portugais. À cet effet, par contrat passé, le 3 mars 1780, devant Me Margantin, notaire à Paris, il se rendit acquéreur d’un enclos situé dans la Grand’Rue de La Villette. L’endroit était bien choisi, dissimulé derrière des constructions, échappant aux regards, presque mystérieux. C’est le cimetière portugais ; il existe encore, rue de Flandres, no  44, et j’eus de la peine à le découvrir lorsqu’il y a quelques années, j’étudiais l’organisation de nos cimetières. Je n’y pus entrer, mais il me fut possible de l’apercevoir, grâce à la complaisance d’un locataire riverain, qui me permit de l’examiner de sa fenêtre. J’y vis une trentaine de tombes que les herbes ont envahies et que rongent les lichens. Il est, je crois, resté propriété particulière ; à qui appartient-il ? je n’ai pas réussi à le savoir : on m’a nommé la famille Sylveira et la famille Pereire, mais c’est un on-dit et je ne le répète qu’avec réserve.

Le rite portugais ayant un cimetière spécial, le rite allemand ne voulut pas demeurer en reste. Les premières tentatives faites par un certain Leifmann Calmer, seigneur de Picquigny, ou soi-disant tel, échouèrent par la faute même de l’intermédiaire, qui paraît avoir été un homme d’un esprit exclusif et vaniteux. Les israélites allemands, polonais, avignonais continuèrent à n’avoir point de lieu de repos particulier, jusqu’au jour où l’un d’entre eux, nommé Cerf Béer, acheta, le 25 avril 1785, auprès du Petit-Vanves, un terrain placé entre Châtillon et Montrouge. Dès lors, le rite allemand eut sa sépulture, et il en devint propriétaire en vertu d’un acte passé, le 24 octobre 1792, en l’office de Me Petit, notaire à Paris. Par ce contrat. Cerf Béer faisait donation « pure, simple et irrévocable » de ce terrain à « la nation juive. » Pas plus que le cimetière portugais, le cimetière allemand n’a disparu ; on peut le voir au no  94 de la Grand’Rue de Montrouge ; il a reçu en garde quatre-vingt-six tombes, dont plusieurs sont ruinées. Sur l’une