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sont mieux que ceux des Pomotou et des Fijis. Leur pays est surtout propre à l’élevage. On estime que la colonie possède de 70,000 à 80,000 têtes de gros bétail[1] ; cependant, le prix de la viande s’y maintient de 1 fr. 27 à 1 fr. 30 le kilogramme, alors qu’il n’est en Australie que de 0 fr. 75 à 0 fr. 90 et de 0 fr. 60 à 0 fr. 75 aux îles Sandwich.

Le chiffre de la population indigène a considérablement décru, s’il était primitivement, comme on l’affirme, de 60,000. Mais on ne saurait trop se défier de ces appréciations approximatives des navigateurs. Cook et Vancouver ont donné à maintes reprises des renseignemens erronés sur la population des îles qu’ils ont découvertes ou visitées. La curiosité des indigènes, surexcitée par l’apparition de ces gigantesques pirogues de guerre qu’ils n’avaient pas encore vues, faisait affluer sur la plage une foule nombreuse accourue des villages les plus éloignés. Après avoir lentement contourné l’île, les Européens retrouvaient sur tous les points où ils mouillaient la même affluence et attribuaient à chacun des districts qu’ils visitaient un nombre d’habitans bien supérieur au nombre réel. Quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que les mêmes causes qui accélèrent la dépopulation des îles de l’Océanie n’aient produit les mêmes résultats à la Nouvelle-Calédonie, où le chiffre de la population indigène n’était plus, en 1883, que de 23,000. On y comptait en outre b, 165 colons européens, dont 3,525 Français, près de 8,000 hommes de troupes et 11,358 déportés et libérés.

Que la présence de cette dernière catégorie de résidens soit un obstacle aux progrès de l’émigration, ce n’est pas douteux. En cinq années, 1879-1883, l’émigration libre n’a fourni qu’un contingent de 751 colons, dont 330 Français, 382 Anglais et 39 de nationalités diverses. L’abbé Raynal, dans son Histoire philosophique et politique des Européens aux Indes, représentait les malfaiteurs déportés contractant dans leur exil « le goût du travail et des habitudes qui les remettaient sur la voie de la fortune. » Imbu de la phraséologie humanitaire et sentimentale de la fin du XVIIIe siècle, il essaie en vain de montrer combien « cette modération dans les lois pénales, conforme à la nature humaine qui est faible et sensible, capable du bien même après le mal, s’accorde avec l’intérêt des états civilisés. » Les résultats obtenus alors en Amérique et en Australie n’ont pas confirmé les assertions de l’abbé Raynal, auxquelles d’ailleurs les colonies américaines ne voulaient rien entendre, protestant énergiquement contre un système qui convertissait le Maryland en un vaste établissement pénitentiaire. Franklin, à bout

  1. L’Expansion coloniale de la France, par M. de Lanessan. Paris, Félix Alcan.