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reproduire les stipulations de Rastadt et de les faire sanctionner par l’empire. On les connaît : c’étaient pour la France, la frontière du Rhin et Laudau, le rétablissement complet des deux électeurs qui s’étaient compromis pour sa cause ; — pour l’Autriche, c’était l’acquisition des possessions espagnoles en Flandre et en Italie. Si on compare ces résultats aux douloureux préliminaires de La Haye, aux humiliantes propositions de Gertruydenberg, si l’on se rappelle les poignantes circonstances de 1709 et de 1710, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il y eut, dans notre histoire, peu de traités plus importans et plus heureux. Les avantages que le traité de Bade procura à la France ou à ses alliés auraient-ils pu être plus grands ? La campagne diplomatique avait-elle été aussi heureuse ou aussi habilement conduite que la campagne militaire ? Le lecteur qui aura bien voulu nous suivre jusqu’au bout nous dispensera de répondre. « J’ose espérer, écrivait le prince Eugène à l’empereur en lui annonçant la signature du traité, que Votre Majesté daignera approuver ma conduite ; me conformant à ses ordres, soutenu par son admirable fermeté, j’ai la confiance d’avoir obtenu, malgré la supériorité militaire de l’ennemi et la défection de presque tous nos alliés, des conditions de paix plus avantageuses et plus glorieuses que celles que la médiation étrangère eût pu nous procurer à Utrecht. » On ne pensa pas autrement à Vienne, et même, s’il faut en croire quelques esprits chagrins, dans certains cercles de Versailles. Le nom de Villars n’en resta pas moins attaché à l’instrument de paix comme aux victoires qui l’avaient préparé, et lorsque, la vieillesse étant venue, le maréchal, éloigné pour toujours des affaires diplomatiques, comblé d’honneurs, objet de la faveur populaire, reportait un souvenir complaisant sur ses années de glorieuse activité, on l’eût bien étonné si l’on eût paru douter que la paix ne fût son œuvre, si l’on eût paru croire que la reconnaissance de la France s’adressait plus à l’homme de guerre qu’au diplomate.


M. LE MARQUIS DE VOGUE