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ferme à l’égard des factions qui la menacent, libérale à l’égard de ceux qui sont l’honneur du pays, — qu’elle peut encore, en un mot, être le gouvernement de la France, non une vulgaire domination de parti. S’il ne s’agissait que d’un intérêt de politique intérieure, ce serait déjà beaucoup sans doute, mais il s’agit aussi et surtout pour la France de rester ce qu’elle est, ce qu’elle veut et doit être devant le monde. Il s’agit de rendre à la nation la force qui peut inspirer la confiance à des alliés, le respect à des adversaires : c’est M. le président Floquet qui l’a dit, et ce n’est pas en entretenant les divisions, en prolongeant les iniquités de parti, qu’on rendra à la France sa force et sa dignité parmi les peuples.

Que se passe-t-il, que se passera-t-il surtout d’ici à peu de temps, d’ici à quelques mois peut-être, en Europe? C’est une vieille énigme qui ne paraît pas se débrouiller, qui reste au contraire plus que jamais singulièrement difficile à déchiffrer. Il est certain que sur ce vaste continent européen, où se heurtent tant d’intérêts, rien ne s’arrange, que les incidens succèdent aux incidens, que les relations sont passablement troublées, qu’on parle toujours de la paix en se préparant à la guerre, que les nuages noirs amassés par degrés à l’horizon depuis quelques mois ne semblent pas du tout se dissiper. L’année qui a expiré il y a quelques jours n’a point laissé décidément un brillant héritage. L’année qui vient de s’ouvrir a eu, il est vrai, l’avantage de débuter par un petit épisode qui a pu pour un instant mettre un peu de gaîté dans les préoccupations moroses des cabinets: c’est cette mystification des pièces falsifiées, qui ont joué, il y a quelques semaines, un certain rôle dans la politique de M. de Bismarck, que le chancelier a eu la bonne fortune de découvrir à propos pour dévoiler à l’empereur Alexandre III le complot par lequel on s’était efforcé de dénaturer ses actes, ses intentions à l’égard de la Russie. Elles ont été publiées, ces pièces mystérieuses, et, en définitive, c’est beaucoup de bruit pour rien. Tout se réduit à une communication faussement attribuée au prince de Reuss, ambassadeur allemand à Vienne, et à quelques lettres que le prince Ferdinand de Cobourg aurait écrites ou aurait pu écrire à la comtesse de Flandre, racontant à la princesse belge tout ce qui l’intéresse, sa situation, les espérances qu’on lui fait concevoir, les appuis qu’il rencontrerait à Vienne et même à Berlin. C’est tout le secret de ces documens sibyllins. M. de Bismarck s’est fait un devoir de démontrer au tsar qu’on avait abusé de sa bonne foi par des révélations de fantaisie, que rien de tout cela n’était vrai, qu’il n’avait jamais rien promis, lui, chancelier d’Allemagne, contre les intérêts de la Russie, — Et le tsar en a cru ce qu’il a voulu. Après cette divulgation bruyante, on n’est pas plus avancé. C’est une diversion qui n’a pas été probablement tentée sans calcul, sans intention; mais ce n’est qu’une diversion, et la situation