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tive, parce que cette discussion s’engage uniquement entre des hommes compétens et expérimentés, qui savent lire dans les gros volumes du budget et qui connaissent à fond la matière dont ils traitent.

Rapportons-nous-en à cet exemple et à la pratique de nos voisins. L’essentiel est que les membres du parlement et le public aient entre les mains des tableaux suffisamment détaillés des crédits demandés, avec l’indication exacte des changemens proposés d’un exercice à l’autre, et des notes brèves, mais claires et précises, émanant des administrations intéressées, qui fassent connaître les motifs de chaque changement. Ces renseignemens suffisent pour qu’un député intelligent sache à quoi s’en tenir sur le service public qu’il se trouvera connaître. La discussion du budget pourrait commencer trois semaines ou un mois après la distribution des documens officiels ; et l’interposition d’une commission n’écartant plus et n’intimidant plus personne, on verrait monter à la tribune, à l’occasion de chaque budget particulier, les hommes qui connaîtraient la matière et en pourraient parler avec compétence. Le militaire présenterait des observations sur le budget de la guerre, l’ancien magistrat sur celui de la justice, l’ancien fonctionnaire sur celui de l’intérieur. Les ministres seraient plus à l’aise pour défendre leurs crédits, ne rencontrant plus les préventions créées par une décision défavorable de la commission du budget ; d’autre part, ils trouveraient en face d’eux des hommes au courant des questions, capables d’émettre des idées justes et de suggérer des mesures utiles. La discussion du budget serait plus approfondie qu’aujourd’hui ; elle serait autrement instructive pour le pays et pour le parlement lui-même que ces séances mal remplies où aucun orateur ne peut se faire écouter, où l’on vote de confiance des centaines de millions sur la foi d’une commission, où les crédits défilent avec une rapidité vertigineuse, et on ne verrait plus le président distrait d’une chambre inattentive remettre aux voix, sans s’en apercevoir, des chapitres déjà votés. La discussion serait nécessairement plus longue : elle pourrait prendre quinze ou vingt séances, comme autrefois sous la monarchie de Juillet ; mais si on met en regard les sept ou huit mois absorbés par les bavardages et les paperasseries de la commission du budget, on voit qu’il y aurait pour le parlement une économie de temps considérable, et que le retour des douzièmes provisoires deviendrait impossible.

La suppression de la commission du budget, en accélérant et simplifiant la besogne législative, serait donc un réel progrès ; mais il ne serait pas moins important de retirer à la loi de finances le caractère qu’on lui a graduellement et illégalement fait prendre