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d’une sorte de constitution annuelle, emportant modification et même abrogation du reste de la législation. La constitution n’attribue point à la loi du budget ce caractère exceptionnel ; elle la considère comme une loi ordinaire, ayant une valeur égale, mais non une valeur supérieure à celle des autres lois. Pour couper court aux mauvaises pratiques dont les dangers ont été signalés, il faudrait écrire explicitement, soit dans la constitution, soit dans le règlement de la chambre, qu’il ne pourra être dérogé par la loi de finances à l’exécution d’aucune loi existante tant que cette loi n’aura pas été régulièrement réformée. Les droits de la chambre seraient-ils en rien affaiblis par cette obligation de se conformer toujours à la procédure constitutionnelle ? Nos anciennes chambres et les parlemens des autres pays n’en ont point jugé ainsi. En Italie, il est de règle qu’aucune dépense dérivant de l’exécution d’une loi ne peut être ni supprimée ni modifiée par la loi du budget, et que suppression ou modification doivent préalablement faire l’objet d’une proposition de loi spéciale. Aussi les tableaux du budget distribués aux deux chambres contiennent-ils à côté de chaque crédit, dans une colonne spéciale, la mention : « Dépense obligatoire ou dépense susceptible de modification (variabile). »

Les propositions de la commission du budget et les amendemens individuels ne peuvent porter que sur les dépenses de cette seconde catégorie. Depuis la promulgation de la loi organique sur les administrations publiques, le président de la chambre refuserait de mettre aux voix la suppression du traitement d’un seul fonctionnaire. Il en est de même des recettes du trésor, qu’il n’est pas moins important de mettre à l’abri des fantaisies législatives. Quand le gouvernement italien a songé à remanier l’impôt foncier ou l’impôt sur le sel, il n’a point introduit dans la loi de finance, sous forme d’articles, les changemens auxquels il s’était arrêté : il en a fait l’objet de propositions de lois spéciales, destinées à être étudiées par des commissions distinctes de la commission du budget, à être discutées et votées par les deux chambres en dehors de la discussion de la loi de finance, sauf à tenir compte des décisions du parlement dans les budgets ultérieurs. De simples membres ne peuvent prétendre en cette matière à des prérogatives supérieures à celles du gouvernement. De cette façon, l’économie de la loi de finance ne peut être brusquement bouleversée par des votes d’entraînement ou de surprise ; et la discussion n’en est ni allongée ni embrouillée par des débats oiseux ou intempestifs.

Les précautions prises, à cet égard, en Angleterre, sont encore plus rigoureuses qu’en Italie. À l’exception de l’income-tax et de quelques droits de douane dont le chancelier de l’échiquier fait