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projet d’organisation des caisses de retraite en faveur des ouvriers invalides. Ainsi sera complète l’œuvre des assurances ouvrières, destinée, dans la pensée de son promoteur, à garantir les travailleurs contre la misère et à arrêter, dans son essor, le socialisme révolutionnaire, si tant est que les institutions de prévoyance suffisent à elles seules pour assurer la paix sociale dans l’avenir.


III.

Avenir, paix sociale ! deux grandes préoccupations qui dominent toute la politique intérieure des fondateurs du nouvel empire allemand. Incontestablement, ces préoccupations ont inspiré les lois ouvrières et les mesures de répression contre le socialisme. Reste à savoir, toutefois, si l’application des moyens de rigueur, unie aux institutions de secours, aura l’efficacité voulue. En France, les poursuites intentées, en 1868, contre quelques chefs de l’Internationale, comme faisant partie d’une société non autorisée, ont eu pour résultat d’appeler l’attention des ouvriers sur cette entreprise révolutionnaire. Les tracasseries gouvernementales, dit le conseil général de l’institution, loin de tuer l’Internationale, lui ont donné un nouvel essor, en coupant court aux coquetteries malsaines de l’empire avec la classe ouvrière. De même en Allemagne, les meneurs du mouvement socialiste affirment que la loi d’exception appelée à arrêter leurs progrès resserre au contraire les liens du parti et affermit l’union entre les adhérons. Ceux-ci acceptent les institutions de secours comme un acompte, gage de concessions plus larges, mais qui ne doit pas empêcher la substitution de l’état collectiviste à la société actuelle. Ils affectent de poursuivre une transformation pacifique des conditions du travail par la suppression du salariat. Leur idéal, c’est le partage des biens selon les besoins de chacun. Comme les classes en possession résistent au partage, les plus modérés de nos collectivistes indiquent, à bout de réticences, le renversement violent de l’ordre existant comme conséquence fatale de leur propagande. L’anarchie reste, en définitive, la condition nécessaire du socialisme.

Un philanthrope n’approuvera jamais l’emploi des moyens violens pour les améliorations sociales. Dès lors, la répression du socialisme révolutionnaire se justifie comme mesure de salut public. Seulement, la question de droit n’implique pas l’efficacité des mesures prises en vertu d’une loi d’exception. Le prince de Bismarck a reproduit, touchant la reconstitution de l’unité nationale de l’Allemagne, cette idée de Lassalle, que les grands changemens historiques se sont toujours accomplis « par le fer et le feu. » Pour aboutir