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II.

A l’heure présente, les mesures que nous réclamons pour l’enseignement second lire sont au moins, à un certain degré, en exercice pour l’instruction primaire dans quelques localités. Comme exemple, nous en montrerons les bienfaits. Qu’on se laisse donc transporter dans le village fortuné où l’école est dirigée par un instituteur tout épris de sa noble mission. Pour arriver au succès, cet homme intelligent a partout glané le savoir dont il avait besoin. Sur les bancs de la classe, les enfans lisent, écrivent ou se livrent au calcul avec une bonne volonté feinte ou réelle ; — on leur a tant dit qu’à notre époque, il faut être savant ! Il y a un jour où l’entraînement doit être général, les cris de joie retentissent; c’est qu’une ou deux fois par mois, on va chercher des plantes, recueillir des insectes. A peine la porte franchie, la bande s’éparpille dans un rayon déterminé, et chaque élève est en quête d’une verveine, d’une scabieuse dont il mettra une belle tige fleurie dans sa boîte à herborisation, d’un coléoptère qu’il emprisonnera dans un flacon.

Aux alentours du village, de tous côtés, se fait entendre le chant des oiseaux, mésanges, fauvettes, rouges-gorges, qui nichent dans les herbes, les buissons, les branches d’arbres, et l’on est prêt de s’étonner. La destruction de ces gentilles créatures a été poussée comme à l’envi sur presque tous les points de la France; mais ici nos écoliers respectent les nids. Pendant ses entretiens, le maître a montré les pinsons, les roitelets, les bergeronnettes, saisissant de leur bec les insectes cachés sous les feuilles, et les petits villageois ont compris que les oiseaux gardent les champs contre la dévastation des bêtes nuisibles.

Le maître a fait assister ses élèves à la construction d’un nid ; maintenant ils suivent du regard la mère qui couve ses œufs, et, à certaines heures, le père qui la remplace; puis les jeunes nouvellement éclos ouvrant un large bec, tandis que les parens s’emploient sans relâche à fournir la pâture à la famille. Souvent, au récit des peines infinies, de la sollicitude constante, de l’affection inaltérable des petits oiseaux pour leurs enfans, la parole peut être un peu attendrie du narrateur aura mis pour toujours au cœur de ses élèves un sentiment de compassion pour tous les êtres qui excitent l’intérêt, la sympathie et qui réclament protection. Par suite de l’ignorance extrême, au milieu des champs, les bêtes les plus utiles sont devenues très rares. Dans le canton privilégié où l’enseignement est donné de façon à devenir tout à fait profitable à la population, on aperçoit assez fréquemment des musaraignes, les plus