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mignons de tous les mammifères. C’est que nos écoliers ont appris à ne pas confondre ces animaux insectivores avec les souris et les mulots, rongeurs terribles aux moissons. Fréquemment aussi on voit courir à travers les sentiers le gros insecte bien cuirassé aux élytres d’un vert éclatant, aux antennes effilées, aux pattes longues et grêles, le carabe doré. Il est le type d’une nombreuse famille dont tous les représentans ne vivent que de proie. Un monde vaguant par les chemins et les champs cultivés à la chasse des bêtes nuisibles à la végétation. L’instituteur a dit : « Enfans, respectez l’insecte qui protège les récoltes avec une ardeur féroce. » Et sa parole a été entendue.

Dans la plupart de nos départemens, qui n’a vu clouées sur la porte de la grange, ou même au fronton de la maisonnette du paysan, chouettes et chauves-souris? Le pauvre idiot qui s’est livré à pareille exécution est fier de son acte stupide ; dans son ignorance, ces bêtes de la nuit lui semblent déplaisantes. Cette brute qu’on n’a pas pris soin d’éclairer est plus à plaindre qu’à blâmer. Rien de pareil n’existe au village où l’on a été conduit. Chacun sait que les hiboux, les effraies et les chauves-souris sont des animaux qu’il faut épargner et même dont il importe de faciliter la multiplication en leur ménageant des refuges. Lorsque les cris rauques des hiboux et des effraies rompent le silence de la nuit, personne n’est loin de s’en réjouir. Comme les chauves-souris, le hibou et l’effraie s’établissent près des habitations. Les chauves-souris ne vivent que d’insectes, et les oiseaux de proie nocturnes, pourchassant surtout les petits mammifères, ne causent à l’homme et à ses biens aucun préjudice. Ils sont les plus précieux auxiliaires des agriculteurs. Ils constituent la garde qui seule peut arrêter l’effrayante propagation des animaux malfaisans. Il y a peu d’années, en certains endroits des départemens de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de l’Eure, de la Somme, ainsi que dans la Beauce, on se désolait à cause de l’invasion des mulots, des campagnols, c’étaient des appels désespérés aux moyens d’exterminer les horribles rongeurs ; on évaluait à des millions le chiffre des pertes subies. C’était à qui viendrait proposer un genre de piège parfois bien inoffensif, ou des appâts empoisonnés, sans souci d’accidens graves. « Ramenez aux champs vos défenseurs naturels, les hiboux et les chouettes, disait un philosophe, et alors vous n’aurez plus à gémir sur les désastres qui, aujourd’hui, vous affligent. » Mais on voulait un remède immédiat, et l’on ne songeait pas à un avenir qui pourtant ne tarderait guère à être le présent.

Pour un instant, revenons à notre village de prédilection. Pendant les excursions, les élèves recueillent des échantillons géologiques, des plantes et des animaux; ainsi à l’école a été formée une collection