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perfections des programmes, chacun en prendra selon sa capacité. Cependant, comme tous les sujets ne captivent pas également les jeunes intelligences, comme ils n’excitent pas au même degré chez les enfans l’intérêt et, par suite, le goût d’apprendre, il importe à ceux qui ont mission de décréter des méthodes, non-seulement de concevoir et d’adopter les meilleurs programmes, mais encore d’assurer les moyens de rendre les leçons vraiment profitables. Eh bien! pour une partie importante des études, ce n’est pas dans les déplorables conditions qui existent dans les grandes villes, mais dans les conditions avantageuses de la campagne, qu’on obtiendra des succès.

En vérité, c’est fâcheux de n’avoir point un instrument propre à mesurer les degrés de l’intelligence humaine, comme on prend au thermomètre le degré de la chaleur, comme on détermine la force physique avec le dynamomètre. Faute d’un instrument de précision appliqué à l’intelligence, on en est réduit à juger à l’aide de comparaisons qui n’entraînent point à tous les yeux le caractère de l’évidence. Il n’en est pas moins intéressant d’y arrêter l’attention. Toutes les personnes pourvues d’une certaine instruction parlent et écrivent. S’agit-il d’hommes faisant également état de la parole, beaucoup n’accomplissent leur tâche qu’à la faveur de l’habitude, de la nécessité, lis fatiguent ceux qui les écoutent. D’autres, en nombre, parlent non pas excellemment, mais avec assez d’agrément, et seuls quelques-uns, par l’élévation de la pensée, par le bonheur de l’expression, par le charme de la diction, captivent un auditoire; ils ont l’éloquence. En possession de l’orthographe et des règles de la grammaire, tout le monde écrit; chacun trace à sa manière des descriptions, des récits d’événemens. Que de nuances dans l’art d’exposer les faits et de traduire la pensée ! Il y a loin de la narration banale à l’œuvre dont on admire le style, et, en un siècle, se trouve bien petit le nombre des auteurs qu’on appelle de grands écrivains. S’agit-il des sciences? Les distinctions entre les facultés de ceux qui s’en occupent acquièrent une remarquable netteté, une sorte de précision. On croirait voir une échelle : sur les premiers gradins, on rencontre une foule qui sait se rendre utile. Aux échelons supérieurs, les rangs deviennent de plus en plus clairsemés. A l’égard de l’histoire naturelle, rien de plus frappant: les parties élémentaires semblent à la portée de toutes les intelligences. On s’aperçoit bientôt que l’étude des détails de l’organisme et des fonctions de la vie dépasse la limite accessible à l’esprit de celui qui se montre habile dans la caractérisation des espèces. Les savans capables de comprendre où peuvent conduire tous les faits mis en lumière, et de formuler avec certitude de grandes généralisations,