Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la Pentapole. Le pape accourt, le détourne de son entreprise, et même le décide à entrer dans un monastère. C’est peine perdue : à Ratchis succède Astaulf, qui sera un rude adversaire.

La politique d’alliance et d’amour ne réussissait point avec les Lombards. Elle ne pouvait réussir. Ces Germains étaient dans leur rôle naturel en continuant la lutte contre l’empire. Leur établissement était compromis, tant que l’empereur, qui ne l’avait pas accepté, posséderait en Italie des provinces où leurs duchés ne seraient que des enclaves toujours menacées. Ils n’étaient pas des ennemis de l’église. Depuis longtemps, ils avaient abjuré l’hérésie. Si Zacharie leur avait laissé prendre Rome et Ravenne, ils auraient été les fils soumis, voire même dévots, du saint-siège. Ils ne devaient pas comprendre le zèle que l’évêque de Rome mettait à défendre les droits de l’empereur, qui était, lui, un hérétique, un iconoclaste. J’imagine qu’ils n’ont pas pénétré tout de suite le secret dessein du pape. Autrement ils n’auraient point supporté avec une si longue patience qu’il surveillât chacun de leurs pas, protégeât de sa personne toute position attaquée, réclamât toute ville prise. Cependant l’ambition pontificale cheminait à couvert. Le pape qui met en avant les droits de la Respublica, c’est-à-dire de l’empire, travaille pour lui-même. Les Lombards et le saint-siège sont compétiteurs à la possession de l’Italie; par conséquent, ennemis irréconciliables. Mais qui mettra les barbares à la raison? Les prières, les caresses, la magie des cérémonies et des pompes ecclésiastiques, ne garderont pas longtemps leur efficacité. Il faut un peuple contre ce peuple, une épée contre cette épée.

Pépin et Carloman, fils de Charles Martel, achevaient, sous la direction de Boniface, la réforme de l’église franque. En même temps se préparait la révolution qui allait substituer aux Mérovingiens les Carolingiens. Lorsque Carloman, par amour de la vie contemplative, alla prendre à Rome « le joug de la cléricature, » Pépin, demeuré seul en présence du roi fainéant Childéric, crut le moment venu de clore cette comédie où le rôle royal était tenu par un fantôme. Il serait devenu roi sans le concours du pape, car il avait la gloire et il avait la force ; les offices ecclésiastiques et laïques, le pouvoir et la richesse étaient répartis entre ses fidèles. Il est possible pourtant qu’il ait ressenti quelque appréhension avant de consommer l’acte décisif. Il croyait que la vieille dynastie comptait encore, puisqu’il avait fait porter sur le pavois ce Childéric, alors que Charles Martel s’était senti assez fort pour se passer d’un roi. L’empire franc était troublé ; les révoltes se succédaient en Aquitaine et en Germanie : une guerre civile aurait eu des conséquences redoutables. Pépin résolut de mettre dans son jeu l’autorité