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du saint-siège, dont la grandeur avait été révélée par Boniface aux princes et aux peuples du Nord. Il fit porter à Zacharie la question célèbre : « Ne vaut-il pas mieux appeler roi celui qui a la puissance que celui qui ne l’a point? » Zacharie répondit que cela valait mieux en effet ; mais ce mot n’aurait pas suffi à donner la couronne au maire du palais. Un écrivain contemporain nomme les deux facteurs de la révolution dynastique de l’an 751 : « Après délibération, et du consentement de tous les Francs, avec l’autorisation du siège apostolique, qui avait été consulté, l’illustre Pépin est porté au trône royal par l’élection de toute la Francia. » C’était chose grave que cette intervention du pape en un acte de pure politique, et le sacre que Pépin reçut alors de la main des évêques était une innovation d’importance ; mais, à l’estime du peuple franc, l’élection de la Francia était l’acte essentiel. La dynastie nouvelle n’était pas encore indissolublement liée à l’église romaine.

Cependant Etienne II avait succédé à Zacharie en 752, et le roi Astaulf était résolu à brusquer le dénoûment. Il s’empara de Ravenne et menaça Rome. Ce que voulait « cet effronté, » le Liber pontificalis le dit clairement. Il prétendait « imposer un tribut aux Romains et soumettre la ville à sa juridiction, » c’est-à-dire se substituer à l’empereur dans la ville impériale, y établir sa souveraineté, consommer l’unité de l’Italie avec Rome capitale. Le moment était solennel pour la péninsule. Allait-elle entrer enfin dans des voies nouvelles? Grâce aux Francs, la Gaule romaine était devenue un royaume. Très confusément, il est vrai, une nation se préparait là, car une des origines du peuple français est cette opinion que le pays situé entre le Rhin, les Pyrénées et les Alpes appartenait aux Francs. L’Italie aurait-elle, comme la Gaule, un peuple germanique qui deviendrait l’instrument de ses destinées? S’appellerait-elle Lombardie, au temps où la Gaule commençait à s’appeler France, et la Bretagne Angleterre? Les Lombards n’étaient pas incapables de jouer ce rôle d’ancêtres de peuple, et le pape, en empêchant ces Germains d’achever leur carrière, a été cause que l’Italie a jusqu’à nos jours attendu la qualité de nation.

Etienne essaya d’abord de fléchir par des ambassades, des cadeaux et des prières Astaulf, qui fut inflexible. « Il fit entendre à la majesté divine la plainte d’une lamentation lugubre. » Les Romains, la tête couverte de cendres, pleurant et gémissant, se rendirent en procession à l’église de Sainte-Marie-Majeure. Le pape, pieds nus, portait sur l’épaule une image du Christ qui « s’était faite toute seule. » Arrivé à l’église, il lia sur la croix le traité que les Lombards avaient signé et violé. De tous les côtés il cherchait du secours. Il supplia l’empereur « d’arracher l’Italie aux morsures des