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que Pépin s’agenouillât devant Etienne. pour recevoir sa bénédiction, La main qui a béni une tête en peut bénir une autre. Les papes, dans cette intimité qui commence, ne paraissent se souvenir que de David; mais, avant David, le Seigneur avait consacré Saül, pour le rejeter ensuite. Les papes le savent bien. Ils le diront plus tard.


IV.

Plus tard, car les papes ont besoin pour longtemps encore de l’assistance du roi des Francs. Paul Ier qui succède à son frère Etienne II en 757, est un pontife suppliant.

Il supplie parce qu’il a peur. Les Lombards et les Grecs font mine de se réconcilier. Paul entend parler d’une coalition conclue entre Didier et un duc byzantin; il écrit à Pépin qu’une armée grecque va venir attaquer Ravenne et Rome. Il annonce l’arrivée d’une flotte impériale de trois cents vaisseaux, qui ralliera l’escadre de Sicile.

Il supplie, parce qu’il est ambitieux. Il demande une « dilatation de cette province, » c’est-à-dire de l’état pontifical. Déjà Etienne, dans la lettre même où il remerciait et glorifiait Pépin, avait parlé de nouvelles « restitutions. » Il convoitait les duchés lombards de Spolète et de Bénévent. Un parti romain s’agitait dans ces pays. « Les Spolétins, écrivait Etienne, se sont donné un duc par les mains du bienheureux Pierre et par ton bras très vaillant. Les Bénéventins brûlent de se recommander par notre intermédiaire à ton excellence que Dieu garde. » — « Alboin, duc de Spolète, dit à son tour Paul Ier a fait serment de fidélité au bienheureux Pierre et à vous. » C’est ainsi que, mettant les mains de saint Pierre au bout des bras du roi franc, le pape s’efforce de prendre encore. Il s’étonne que le roi des Lombards se fâche de ces procédés et porte la guerre dans les duchés rebelles. Il renouvelle les cris d’alarme et les appels. Il semble qu’il ait quelque peu importuné Pépin, qui lui recommande un jour de vivre en paix et bonne amitié avec Didier.

Au roi, qui est son recours suprême, le pape multiplie les caresses. Les Francs auxquels il commande sont « très doux, très aimés, très chers; une nation sainte, un sacerdoce royal, peuple d’acquisition, béni par le Seigneur Dieu d’Israël. » Leur royaume « vibre et brille » devant la face du Seigneur. Paul prie le Tout-Puissant de reculer leurs frontières et de leur soumettre toutes les nations qui déjà le proclament grand, et reconnaissent en lui le roi principal, prœcipuum regem. Un jour le pape, repassant dans sa