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ne peut pas se charger, et que les intéressés sont incapables d’entreprendre, il est une puissance qui peut l’accomplir. Cette force toute moderne et essentiellement démocratique, c’est l’association. C’est elle qui doit réunir, pour une action commune, les intelligences et les capitaux. L’exemple nous a été donné par l’étranger, il n’y a qu’à le suivre. La voie est toute tracée.

J’espère que l’enquête dont j’ai parlé en commençant, que l’exposition d’économie sociale, provoqueront un mouvement d’opinion à la suite duquel il se formera, dans les grandes villes, des comités locaux analogues à ceux dont j’ai signalé les opérations et autour desquels viendront se grouper les hommes de bonne volonté, les ingénieurs, les capitalistes. Les uns donneront leur temps, leurs connaissances spéciales ; les autres fourniront leur argent et se contenteront d’un intérêt minime. Des sociétés ainsi constituées seront plus à même que les propriétaires isolés d’acheter des terrains dans de bonnes conditions, ainsi que d’obtenir de l’état et des communes les concessions et le concours nécessaires.

Les compagnies auront à choisir entre les deux types dont j’ai parlé. Il en est qui prendront modèle sur celle de Paris-Auteuil, et qui bâtiront des groupes de maisonnettes, dont les habitans pourront devenir propriétaires. Celles-là ne constitueront jamais qu’une très faible minorité. Il n’est même pas à désirer que cette combinaison se généralise. La propriété du foyer a, pour la classe ouvrière, des inconvéniens de plus d’une sorte. Elle expose à l’encombrement, quand la famille s’accroît ; aux sous-locations, lorsqu’elle cesse de prospérer, et à l’introduction de personnes mal famées ou d’industries nuisibles dans les groupes d’habitations. D’ailleurs, à la mort du père de famille, il faut vendre la maison acquise au prix de tant d’efforts; elle passe alors entre les mains d’étrangers, de spéculateurs, qui ne songent qu’à en tirer le plus fort loyer possible. Ce n’est plus le sanctuaire de la famille et la sauvegarde de l’ouvrier, c’est une habitation banale comme les autres, et le but est manqué. La maisonnette rurale, le cottage, demeurera fatalement le privilège d’un très petit nombre, et pour le reste, la solution qui s’impose, c’est la maison collective.

On parvient aujourd’hui à en construire de très convenables. Les types adoptés à Lyon et à Rouen peuvent, à cet égard, servir de modèles. Les logemens sont clairs, bien aérés et suffisamment isolés les uns des autres. Il y règne même un certain confortable, et le prix du loyer y est accessible à tous les ménages d’ouvriers sobres et laborieux. Quant aux autres, il est certain qu’on ne peut pas leur donner, malgré eux, un bien-être dont ils ne sont pas dignes. Ceux-là sont la proie fatale des logeurs et de cette classe de propriétaires dont j’ai parlé plus haut.