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les semences de la nouvelle foi. L’éloquence de Farel avait entraîné jusqu’à des prêtres, notamment l’évêque de Gap, Gabriel de Clermont, et le prévôt du chapitre, Jacques Rambaud de Furmayer. La dame de Bonne était pauvre et quand son fils fut âgé de dix-neuf ans, il abandonna ses études de droit et se résolut à embrasser la profession des armes; il fut admis dans la compagnie d’ordonnance de M. de Gordes[1], lieutenant de roi dans la province, en qualité de simple archer, et encore d’archer couplé avec Abel de Loras, gentilhomme dauphinois, par quoi l’on entendait qu’il ne recevait que la moitié d’une paie.

Les guerres civiles allaient lui ouvrir une plus vaste carrière; l’un des chefs du parti protestant dans le Dauphiné était le fameux Montbrun; celui-ci avait parmi ses officiers Anthoine Rambaud, vulgairement appelé le capitaine Furmayer, qui enrôla François de Bonne et le fit enseigne-colonel de son régiment, et un peu après guidon de sa compagnie de gendarmes. Bonne se fit un grand renom de vaillance et d’audace dans les actions où il fut mêlé; la paix signée, il se maria avec Claudine de Béranger, d’une bonne famille du Dauphiné.

Quand les troubles recommencèrent, les protestans de Champsaur, toujours en querelle avec les catholiques de Gap, prirent Lesdiguières pour chef. (On ne l’appelait plus que M. de Lesdiguières ou plutôt des Diguières, du nom d’une petite terre qui appartenait à sa mère.) Le prince de Condé ayant convoqué ses partisans en Guienne, Montbrun y mena ceux du Dauphiné, et présenta Lesdiguières au roi de Navarre, aux princes et aux seigneurs réformés. Après la bataille de Moncontour (1569), Montbrun réunit les siens et les ramena dans le Dauphiné. A son retour, Lesdiguières travailla à se rendre maître des montagnes du pays de Cap et se fit un réduit à peu près imprenable dans l’étroite vallée de Champsaur et dans le château de Corps.

Il se rendit à Paris pour les cérémonies du mariage du roi de Navarre, dont il fut très bien accueilli, mais sa bonne fortune l’empêcha d’y rester jusqu’à la Saint-Barthélémy. Son biographe raconte qu’il rencontra un jour en revenant du Louvre son ancien précepteur, qui lui dit qu’il savait de bon lieu qu’on tendait un piège aux protestans, et lui conseilla de s’éloigner. Lesdiguières crut d’abord que c’était une vision du bonhomme, mais quelques circonstances le mirent en garde, et il confia ses soupçons au roi de Navarre. Il apprit à ce moment que sa femme était très malade, et s’en retourna en Dauphiné, où bientôt il apprit la mort de l’amiral et le massacre qui suivit.

  1. Bertrand Raymbaud de Simiane.