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que Votre Majesté avait un intérêt notable à la conservation de la maison de Savoie (16 décembre 1616). » Parlant du traité d’Asti : « Vous avez voulu que j’y fusse nommé et que je promisse, comme j’ai faict, à ce prince (le duc de Savoie), advenant qu’après qu’il l’aurait de bonne foi observé, ledict gouverneur (de Milan) n’y satisfict, j’irais à son secours avec vos forces pour l’y contraindre. » Tout en demandant pardon de la licence qu’il prenait pour le voyage du Piémont, il insistait pour le faire et priait le roi de l’avoir pour agréable.

La cour n’était pas en mesure de se montrer bien sévère envers Lesdiguières, car, au moment même où il s’apprêtait à combattre à côté du duc de Savoie, il était sollicité par les princes rebelles, qui étaient réunis à Mézières, le duc de Nevers, le duc de Vendôme et le duc de Bouillon. L’Espagne le sollicitait également ; pendant qu’il était à sa maison de Vizille, un gentilhomme bourguignon demanda à le voir et il lui offrit, de la part du roi d’Espagne, des subsides avec lesquels il pourrait entretenir une forte armée pour prendre la Savoie, dont on lui promettait l’investiture, à la condition qu’il laissât le Piémont aux Espagnols. Le maréchal, très surpris, répondit que l’offre d’une couronne ne lui ferait rien faire de contraire à son devoir et à son honneur, et fit reconduire l’émissaire hors du château. Malgré les défenses du roi, les remontrances du parlement de Grenoble, le maréchal terminait ses préparatifs : il se mit en route le 19 décembre, « et comme sa résolution, dit Vidal, estoit de faire un grand effort pour mettre d’abord les Espagnols à la raison, il avait rempli ses troupes de quantité de vieux capitaines et de soldats dont il pouvait s’asseurer; sa compagnie de gens d’armes, pleine d’un grand nombre de noblesse et de braves hommes, la plupart capables de commander, estoit particulièrement en si bon estat, avec ses deux compagnies d’arquebusiers à cheval, de cent hommes chacune, qu’on les pouvait appeller ses deux bras. » Il arriva à Turin le 3 janvier 1617, et, joignant ses troupes à celles du duc, il fit reculer les forces espagnoles et les réduisit à la défensive.

Le roi envoya Créqui en Italie pour en ramener le maréchal. Celui-ci quitta Turin le 6 avril; revenu à Grenoble, il maria la seconde fille de Créqui au marquis de Villeroy, fils aîné d’Halincourt, et prit le parti de se marier lui-même avec celle qui, depuis bien des années, était sa compagne. Elle lui avait donné deux filles ; l’une était mariée au marquis de Montbrun; il cherchait pour l’autre, qui était sa favorite, une grande alliance, et voulut d’abord effacer la tache de sa naissance. Celle qu’il faisait appeler, du nom d’une de ses terres, la marquise de Tréfort l’avait accompagné en Piémont, où le duc