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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Adrienne Lecouvreur. — Odéon : l’Aveu, drame en 1 acte, de Mme Sarah Bernhardt ; la Marchande de sourires, drame en 5 actes, de Mme Judith Gautier. — Châtelet : Germinal, drame en 12 tableaux, tiré par M. William Busnach du roman de M. Émile Zola.

L’événement de la saison, au théâtre, est le succès d’Adrienne Lecouvreur. La fortune de la Comédie-Française, depuis quelques mois, semblait assez malade : un état de langueur devenait son ordinaire, qui n’était varié que par des accidens. On essaya d’Adrienne Lecouvreur, un peu comme d’un remède de bonne femme ; un peu même, pour faire plaisir à la bonne femme, je veux dire à M. Ernest Legouvé, avenante et respectable figure, qui est une vieille amie de la maison ; un peu aussi pour payer de leur constance les héritiers de son puissant collaborateur, Eugène Scribe. Des émissaires de la Porte-Saint-Martin les avaient tentés, leur avaient offert un gros prix de cette panacée, dont, rue de Richelieu, on ne faisait rien. Adrienne Lecouvreur, après cela, demeurait au dépôt classique : il était convenable de l’avaler. Et voilà qu’elle a fait merveille !.. Bientôt, grâce aux bénéfices de cette reprise, le comité, s’il n’était trop raisonnable, pourrait se donner le luxe de Rodogune, ou de Bérénice, ou de Don Juan.

Mais à quoi bon évoquer ces augustes fantômes ? Adrienne Lecouvreur, précisément, les remplace avec avantage. C’est une règle de bienséance à Paris, lorsqu’on occupe un certain état dans la société, qu’on passe de temps en temps une soirée à la Comédie-Française pour assister à quelque noble spectacle : ainsi, depuis le retour de la campagne jusqu’au départ pour les eaux, est-on obligé, plus souvent qu’on ne voudrait, de donner un grand dîner. Venir dans la maison de Molière, de Racine et de Corneille, les jours où ils sont chez eux, c’est